LA PRUINE
Cette couche cireuse-poudreuse qui tapisse les prunelles, mais pas que, inspire parfois la méfiance sur nos marchés. C'est du moins ce que j'ai pu observer plus d'une fois sur celui de mon quartier. Devant le cagot de mirabelles ou de quetsches, voire de raisins, le client hésite en suspectant le dépôt d'un pesticide. Réaction de citadin pur jus.
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La pruine sur certains fruits est tout ce qu'il y a de plus naturel. Son nom vient du latin "pruina" qui signifie "givre".
Il s'agit de sécrétions cireuses sur les cuticules qui est très commune sur de nombreux végétaux (herbes ou feuilles d'arbres) et qui deviennent massives sur certains fruits. Ces cires s'organisent en écailles, en plaques ou en tubules
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Fig4- Cires epicuticulaires en filaments chez le dallier adulte (x 3600).JPG
Microscopie electronique a balayage. Phoenixdactylifera L., Acta Botanica Gallica,
4 :Cires epicuticulaires en filaments chez le dallier adulte (x 3600)
7 Stomate d'une foliole portant des pruines du type tubes(x 3600)
Comment ça marche ?
Ces structures sont responsables des reflets bleutés ou glauques sur les fruits par effet de diffraction sur leur couche cuticulaire. Ces phénomènes optiques amènent une protection du fruit contre le rayonnement solaire. Les structures cristallines forment un filtre optique permettant de réfléchir de manière plus efficace les UV et le bleu. Il en découle une diminution du rayonnement ultra-violet susceptible de tuer les cellules végétales.
Les mêmes structures rugueuses (fractale due aux écailles et aux tubes) ainsi que la composition lipidique des cires offrent une protection contre l'humidité. En effet, ces fruits sont moins mouillables : les gouttes s'étalent très peu sur la surface du fruit ou, en général, des feuilles.
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mouillable1.JPG
source :
Phénomènes interfaciaux impliquant les fluides
https://martinbourhis.monsite-orange.fr/file/09745275406509ee3a683567ccb26db3.pdf
Les photos rapprochées des prunelles que j'ai publiées dans le message précédent illustrent parfaitement l'aspect non-mouillable : elles sont prise après une pluie nocturne et on distingue bien la forme typique des gouttes d'eau qui s'accrochent encore en minimisant la surface de contact.
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pruine2.JPG
Détail d’une des photos dans le message précédent
Le phénomène s'observe sur la plupart des feuilles. Le ménisque dû à l'interaction de la goutte avec la cuticule de Amelanchier ovalis est certainement ce que j'ai pu observer de plus spectaculaire dans le domaine. Des chapelets de perles. Lorsque la lumière joue à travers les gouttes cela devient féerique.
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Mon amélanchier ovale
N'allez pas me dire "la nature est bien faite" ! La nature n'est pas créée, elle n'est pas fabriquée. Elle est le résultat d'une élimination de structures moins performantes à la survie de l'espèce. Le fruit, la prunelle, pourri beaucoup moins sur l'arbre avec de la pruine et a le temps de mûrir avant de se détacher pour produire un nouvel individu en germant.