Petite histoire de Chêne : du prélèvement à la culture

Episode 1 : le repérage

j'ai découvert ce chêne en Avril 2014. Il m'a tapé dans l’œil par la taille de ses feuilles particulièrement réduite. En y regardant de plus près j'ai aussi remarqué sa base qui montrait du bois mort assez complexe et bien cicatrisé. A l'évidence l'arbre avait été massacré il y a quelques années par la débroussailleuse.

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Dans le jeu entre les défauts et qualités de l’arbre j’ai estimé qu’une tentative de prélèvement valais le coup. Comment dites-vous déjà dans ces colonnes ? Ce chêne a du … potentiel ! L’expression me fait toujours sourire : t’as dit ça, tu n’as rien dit… Tout reste à faire.

Plusieurs visites en été 2014 m’ont amenées à nettoyer la base de l’arbre, tailler légèrement dans son sommet, supprimer l’essentiel de la mousse et utiliser une pince concave pour « arranger » la cicatrice du haut, ce qui n’était sans doute pas la meilleure idée. Elle paraissait en effet bien peu naturelle après cette dernière intervention. Qu’on en juge :

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En janvier 2015 après les démarches pour autorisation et une dernière visite sur site pour m’assurer de la nature du sol, je décide que le prélèvement aura lieu en mars 2015.

En testant le sol je me rends compte qu’il était argilo-calcaire avec, et c’était là ma plus grande appréhension, des blocs de rochers pouvant aller jusqu’à la taille d’une balle de handball.

Début de tranchée en janvier pour tester et blocs rocheux extraits au pied de biche ci dessous :

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Je rebouche le petit morceau de tranchée en attendant le mois de mars.

suite au prochain épisode…

Episode 2 : le prélèvement

 

Mi mars 2015 le jour "J" était arrivé.

Pioche, pieds de biche, louchet, petite pelle, gants, sacs en plastique poubelle (100 l), toile de jute, mon diable pliable et la matinée était bien ensoleillée malgré une température un peu fraiche. Rien à voir avec une expédition chez un pépiniériste ou une de ces grandes surfaces horticoles où il suffit d’exhiber une carte bleue pour repartir avec un vague cultivar. Dans ce genre d’entreprise on a droit au chevreuil effarouché, au lapin gambadant, au faisan en mal d’amour et toutes ces sortes de choses qui font la vraie vie.

Allons-y : Je creuse la tranchée. Dit comme cela ça n’a l’air de rien, mais tout ceux qui se sont aventuré en terrain rocailleux et bien pentu, savent de quoi je parle. Enfer et damnation, sang et sueur.

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J’ai l’habitude de réserver la terre déplacée sur des sacs en plastique de manière à pouvoir reboucher le trou de prélèvement le plus proprement possible.

Et puis il y a la recherche de cette foutue racine pivot ! j’étais assez inquiet de voir qu’à 50-60 cm sous la surface elle avait encore une taille respectable. Mais la motte tenais bien ensemble quand j’ai mobilisé l’arbre (merci le louchet), ce qui signifiait qu’il y avait pas mal de racine latérales.

La chose faite, hop, dans la voiture (merci le diable) et une bonne heure pus tard, chez moi, je defais plastique et toile de jute pour jeter un oeil sur le système de racines. J’en oublie de déjeuner.

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Ca aurait pu être pire, non ?

J’ai mastiqué la racine pivot après l’avoir encore réduite deux fois de manière à ce que l’arbre entre dans ma caisse de culture (caisse en bois de 6 bouteilles de Bordeaux). Théoriquement il aurait fallu adapter la caisse à l’arbre et non l’inverse. M’enfin, bon…

Ci dessous, les coupes successives du pivot.

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Une fois l’arbre installé, il n’y avait plus qu’à attendre le débourrement. Angoisses.

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suite au prochain épisode

Le prochain épisode, tu le connais... Nous sommes fin avril et ce prélèvement s'est fait mi mars.... Tu nous fais languir !

un point m'intrigue: toi qui préconise le prélèvement du chêne lorsqu'il est en feuilles, pourquoi tu l'as prélevé si tôt?

Tu as raison, cela peut paraitre incohérent à prmeière vue.

Disons que jusqu'à la lecture de l'article de Harry Harrington j'avais prélevé classiquement au début du printemps.

Dans ce cas j'ai à nouveau agit comme dans le bon vieux temps parce que :

- J'étais impatient (argument totalement irrationnel)

- L'arbre était susceptible de passer à la débroussailleuse. Les pruneliers commencent à proliférer dans le coin, et je suis persuadé que la machine infernale entrera en action avant les mois d'été.

- Je ne voulais pas me mettre dans une situation "expérimentale" (avec un risque potentiel) pour celui-là.

Voilà.

Par ailleurs je ne préconise pas la méthode Harrington : je dis simplement qu'elle existe. Il est toujours bon d'être au courant des différentes alternatives et de faire son choix en fonction des circonstances. :-)

Épisode 3 : attente et surprise

A partir du 17 mars (date du prélèvement) je crois bien qu’il ne s’est pas passé une journée sans que je ne jette un coup d’œil sur cet arbre. J’étais sans arrêt à comparer les bourgeons des deux Quercus robur que je cultive depuis une paire d’années avec ceux du nouveau venu.

Et que je te les reluque et que je te les palpe, au sommet des arbres, à la base, au bout des petites branches comme sur les grosses. Allez ! encore un petit coup de Tonus 5, ça ne peut que lui faire du bien.

Pour faire passer les jours, je me congratulais du tronc de ma nouvelle acquisition.

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Le 9 avril les deux Quercus robur montrent le bout des bourgeons verdissant, mais le petit nouveau était, lui, totalement, désespérément silencieux. Arrgh !

Le 12 avril les Q. robur étaient bien verts et toujours rien du coté de ma caisse à pinard.

Je crois bien que c’était une semaine plus tard, en procédant à une n-ième inspection, que la chose arriva. Les bourgeons dans la caisse de pinard gonflaient à leur tour !! Et le sur-lendemain du vert a émergé. Mais pas le vert que j’attendais ! Ce vert-là était tellement pâle, presque blanc. Je me sentais un peu comme la cane qui vois ses œufs éclore avec un dernier œuf d’où sort le vilain petit canard (un cygne comme tout le monde sait).

Ce chêne-là n’était pas comme les deux autres et j’en conclu qu’il avait de l’oidum.

Je pensais déjà au traitement quand tout a changé en lisant le post du 25 Avril de Le Sabi. Quelques pages Google plus loin, un détour sur Tela-botanica et j’ai compris que j’avais ramené un Quercus pubescens (Chêne pubescent) et non un Quercus robur. Le duvet sur les toutes jeunes feuilles ne laissait aucun doute.

Le 26 avril :

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Quercus pubescens est une espèce assez commune au sud d’une ligne Belfort - Nantes. Mais plus au nord on ne la trouve vraiment pas couramment. Ce prélèvement est un coup de bol. Mais cette heureuse surprise est teintée d’une appréhension : c’est la première fois que je prélève une plante en me trompant d’espèce et je n’aime pas trop cela.

suite au prochain épisode

Yes bien sympa ce gros ....

Une histoire fort bien compté !!! C'est un réel plaisir de te lire ! En attente de la suite, impatiemment.

Un bel exemple dans la façon de procédé.Je ne sais plus si tu l'as indiqué.Il faut une autorisation.Pas prélevé n'importe quoi et être capable d'assurer la reprise.Merci pour le reportage, tiens nous au courant.@+

sympa, il a l'air d'être bien reparti. à voir comment il évolue dans le temps.

ça fait bien longtemps que je ne me suis pas frotté au chêne, ça donne envie de réessayer...

.....Il faut une autorisation.Pas prélevé n'importe quoi ...

".Il faut une autorisation..." Parfois je me dis que j'aurais mieux fait de m'en passer. Parce que passer pour un con aux yeux du paysan du coin n'est jamais très agréable.

".Pas prélevé n'importe quoi ..." Dans ce cas, comme je l'explique plus haut je me suis trompé. C'est pourquoi je suis furieux. Mais, dis moi, comment tu fais toi pour reconnaitre un Q. robur d'un Q. pubescens quand ils sont en bourgeons ? D'autant plus que la probabilité que ce soit un Q. pubescens était quasi-nulle, vues les latitudes  où tout cela se passait .

Bref , il y a ce que tout le monde dit et répète à satiété, et puis il y a les situations dans la vraie vie. La doxa me gonfle. :newsm_5: :diab3: :spb46: :spb51:

je ne crois pas que corto faisait une critique de CE prelevement....'il faisait plus une "piqure de rappel" pour le lecteur lambda :spb95:

Oui, je l'avais compris aussi. Je n'en veux pas du tout à corto que j'apprécie bien par ailleurs. :-)

Non, ce que je voulais dire c'est que les choses ne sont pas aussi simples qu'on a l'habitude de les présenter. Il est important de sortir des généralités qui n'ont d'effet sur personne, pour entrer dans les détails et circonstancier chaque fois les choses.

C'est plus difficile assurément, mais cela me semble plus efficace.

C'est aussi pourquoi je m'attache dans ce fil de décrire le plus possible ces circonstances.

bonjour a vous

 

est ce qu'il est possible de connaitre le substrat que tu as utilisé pour le rempotage ?

 

et est ce que tu as coupé ou tailler d'autre racines que le pivot ?

 

merci

bonne journée

oui c'était une piqure de rappel.par n'importe quoi, je voulais dire prélever des arbres avec un réel potentiel, avec un projet en tête.Pas le premier arbre venu et ensuite venir nous demander bon ben maintenant j'en fais quoi !! ton reportage est très bien.il montre comment s'effectue un prélèvement sur la durée, la phase d'étude, le respect de l'environnement ..L'autorisation est importante aussi dans le sens où ça permet de faire les choses bien.encore merci pour ce post et les autres !!@+

puis sincèrement, vaut mieux passer pour un con auprès du propriétaire du terrain que de subir les conséquences de son animosité pendant... 3 générations...

:newsm_8:

 

est ce qu'il est possible de connaitre le substrat que tu as utilisé pour le rempotage ?

 

et est ce que tu as coupé ou tailler d'autre racines que le pivot ?

 

Le substrat :

Une couche de gravillon en fond de caisse sur les grilles de drainage.

Puis environ

25% de Bims,

25 % Akadama,

25% Diatomite (la fameuse litière pour chat de Papymandarin),

25% de substrat de récupération (arbres rempotés) tamisé et seché

 

Taille des racines : a part le pivot, rien.

Mais il a bien fallu, au moment de cerner l'arbre dans son environnement d'origine, couper des racines transversales ! d'où l'intérêt de cerner assez grand, quitte à réduire un peu la motte de terre avant l'emballage en conservant les racines qui dépassent  pour que l'arbre soit déplaçable. Surtout quand on a des lombaires sensibles.  :-)

Apparemment le chêne pubescent n'est pas si rare que ça au nord de la Loire. On en trouve au nord de la France, à peu près dans toute l'Europe de l'ouest, y compris en Pologne.

très belle histoire fort bien contée. Bonne culture de cet arbre sympa.

Oui le pubescent dans le nord de son aire de répartition pousse dans les situations les plus chaudes et ensoleillées, buttes, talus,...

Que dit Tela-botanica sur Q. pubescens :

"Bois et côteaux secs, surtout calcaires, dans tout le Midi, et çà et là dans le reste de la France."

En considérant les cartes de répartition de l'espèce qu'ils proposent, en jetant un oeil sur les repérages fait en Alsace sur les cartes annotées par les contributeurs au site je me rend compte qu'il n'y en a pas pléthore.

Peut être est ce du au fait que les terres calcaires sont tout de même assez localisées et pas si nombreuses que ça dans mon coin.

Peu importe, l'essentiel est que je n'ai pas prélevé par mégarde une espèce protégée.