Yamadori Massacre

Dans le dernier numéro (78), Esprit Bonsaï relate une tentative de prélèvement d'un pin multi-centenaire ayant tourné au carnage.

L'arbre a été retrouvé mort, les racines et branches principales sciées, et la tentative de tranchée autour de la motte même pas rebouchée. Bref, aucune chance ne lui a été laissée.

 

Personnellement, et je ne suis pas le seul, j'ai trouvé cet article courageux et honnête, puisque la pratique du yamadori sauvage et totalement non-éthique existe bel et bien. C'est la face sombre du bonsaï, celle du bonsaï purement mercantile.

Montrer ce qui est beau est facile, montrer ce qui nous fout la honte est courageux.

 

Je voudrais saluer l'équipe d'EB pour cet article, et y attirer l’œil de ceux qui d'habitude ne lise pas EB.

 

PS: Merci de ne pas partir dans le traditionnel débat "Le yamadori c'est pas bien Vs le yamadori c'est super bien", là n'est pas le but.

J'ai lu l'article en question et j'avoue que la question qui m'est venue à la fin de ma lecture est la suivante : "Et si cet arbre avait bien été prélevé ?" L'auteur et tous ceux qu'il évoque qui avaient l'habitude de venir saluer ce pin se seraient retrouvés devant un vide. Quelle qu'aurait été la réussite du prélèvement, celui-ci aurait laissé un vide à la place d'un très bel arbre que visiblement pas mal de monde venait admirer. Quelle aurait alors été leur réaction ? Si l'arbre avait été "prélevable", l'auteur l'aurait-il prélevé ?

 

Bref, j'avoue que cet article m'a fait pas mal réfléchir à mes envies de prélèvement, même si je ne vise absolument pas des arbres aussi imposants... Mais peut-être y a-t-il d'autres personnes que moi qui viennent contempler ces arbres ?

 

J'espère ne pas lancer le débat "Le yamadori c'est pas bien Vs le yamadori c'est super bien"

Je crois, Adrien, que ta réaction est la bonne: réfléchir.

Comme dans d'autres domaines, il faut attendre une image choc pour qu'on se retrouve devant son miroir, à se poser les vraies questions.

Malheureusement, c'est la vie d'un arbre splendide qui aura dû être sacrifiée pour en arriver là, où chaque bonsaïka peut maintenant se demander ce qui vaut le mieux: préserver les chefs d'oeuvre de la nature d'abord, ou tenter de se les approprier à tout prix.

Cela me rappelle à l'arche de Palmyre, dynamitée sans doute parce qu'elle ne valait rien sur le marché noir des antiquités, faute de pouvoir la déplacer.

Prélevons sur des terrains privés avec autorisation et point barre.

Le reste c'est du vandalisme de la satisfaction d'égo ou la recherche de profits, tout le contraire de la philosophie du bonsaï.

Même sur un terrain privé, tuer un arbre parce qu'on n'a pas su se raisonner, à reconnaître que les chances de réussite du prélèvement étaient trop faibles, est bel et bien, aussi, du vandalisme.

Après on peut se dire que cela serait revenu au même pour en faire du bois pour le feu, mais ce n'est vraiment pas bien brillant pour un bonsaïka.

De toutes façons, le problème est bien que ce genre de massacre est vraissemblablement associé au trafic clandestin des yamadoris, pour lequel il n'y a pas de terrains privés qui comptent, mais par contre, le porte monnaie de collectionneurs avides, ça oui.

Ben non, sur terrain privé c'est pas du vandalisme. C'est de l'aménagement, du bucheronnage... etc.

Appelle ça comme tu veux, mais sur un terrain privé, on fait ce qu'on veut. Reste le choix du proprio...

 

Perso j'ai prélevé des buis centenaires sur un terrain privé, pour lesquels le proprio m'a dit "tu fais ce que tu veux je te les donne". Si je ne les avais pas prélevé, ils y seraient probablement encore. Et ben pourtant, j'ai aucun remord. Tout simplement car la zone n'a rien de sauvage.

 

Ici on parle d'une zone sauvage dans les Alpes.

Petite précision car je ne l'ai dit dans mon message initial: cet article courageux a été rédigé par François Jeker.

Même sur un terrain privé, tuer un arbre parce qu'on n'a pas su se raisonner, à reconnaître que les chances de réussite du prélèvement étaient trop faibles, est bel et bien, aussi, du vandalisme.

Après on peut se dire que cela serait revenu au même pour en faire du bois pour le feu, mais ce n'est vraiment pas bien brillant pour un bonsaïka.

De toutes façons, le problème est bien que ce genre de massacre est vraissemblablement associé au trafic clandestin des yamadoris, pour lequel il n'y a pas de terrains privés qui comptent, mais par contre, le porte monnaie de collectionneurs avides, ça oui.

 

Chacun part sur le débat qu'il souhaite, mais je tiens à préciser que ma réflexion portait non pas sur le fait d'avoir tué l'arbre sous prétexte de vouloir le prélever alors que ce n'était pas possible (objet de l'article), mais sur le fait qu'un prélèvement entraîne pour le plus grand nombre la disparition d'un arbre de son milieu.

Pas loin de chez moi, il y a de très beaux érables sycomores en montagne (on est loin du bonsaï) que j'aime aller voir régulièrement. Il y a 2 ans, l'un d'eux a été abattu par le propriétaire du terrain sur lequel il poussait. Les raisons de cet abattage étaient très certainement valables et ne me regardent pas, il n'empêche que cela me fait toujours un pincement au cœur de ne plus le voir quand je passe. Et cela n'a rien à voir avec le fait que l'arbre est mort, débité. Il n'est tout simplement plus là...

Le mot vandalisme n'est pas le plus approprié, c'est vrai, quand je veux parler de la question de conscience que pose la mort d'un arbre parce qu'on ne l'a pas prélevé de manière à ce qu'il survive.

De plus, l'interrogation d'Adrien est importante: est-ce que l'arbre ne doit pas continuer à profiter au plus grand nombre, ce qui est spécialement sensible dans le cas du massacre en cause.

Quelque soit le prélèvement, il y a une question de chance, c'est vrai, de savoir faire et son évaluation, c'est sûr, mais quand on compte trop sur l'une et on néglige l'autre, cela ne dénote pas d'un grand respect pour ce qu'on est sensé aimer en premier lieu pour un bonsaïka: les arbres.

Outre l'agression de l'arbre, c'est du vandalisme contre soi-même, ou du moins, sur l'image qu'on devrait avoir de soi. Je ne sais pas, il y a peut-être d'autres termes plus appropriés?

Mais vandalisme il y a, et le mot est faible, rapport à ces gens qui ont fait ce qu'on voit sur EB : sans foi ni loi, il n'y a pas de terrains privés, autorisations ou autre qui tiennent pour eux, pour en être à ce point de bêtise ou de vénalité.

En tout cas, un pro ( du  genre qui ne veut pas y perdre son âme et sa passion, c'est sûr) m'a expliqué que les Alpes étaient devenues le super-marché européen du yamadori. Les autorisations sur les parcelles intéressantes, privées, se vendent maintenant, au plus offrant, bien sûr. entre proprio et préleveurs, à la pièce prélevée notamment, et même entre préleveurs eux mêmes. Sans compter l'impact du clandestin sur le domaine public... C'est plus qu'inquiétant! 

Ce n'est pas le principe du yamadori que je mets là en cause, c'est le dégat attendu de l'envie et sa surenchère commerciale qu'il suscite. On en connaît assez les effets partout ou elle a sévit: poissons, plantes, minéraux, trophés de chasse (cf le lion Cecil), etc.

Pour apporter une échelle au phénomène, je trouve que le parallèle avec les minéraux est intéressant (j'en suis collectionneur): le quartz, par exemple, c'est du sable, qu'on ramasse à la pelle, mais ce sont aussi les cristaux de herkimer, de forme rare et magnifique,qu'on trouvait dans les septarias de la Drôme... Et bien, après la razzia motivée par l'engouement commercial pour ces pierres, il ne s'en trouve.plus une, terminé.

Si cela avait été seulement une affaire de prélèvements par des amateurs éclairés, on en serait certainement pas là.

Vous savez tous qu'au Japon ils ont prélevé intensément au 20éme siècle, et tellement prélevé que maintenant c'est purement et simplement interdit.

Ils ont des arbres autrement maintenant et ils sont toujours aussi beaux ;)

Je ne crois pas que le Japon produise actuellement des génévriers, des pins, des épicéas de la qualité de leurs spécimens légendaires.

En Europe, il nous en reste, mais il nous manque la conscience qui va avec, dont l'expérience japonaise pourrait nous apporter de la graine.

Celle de l'humilité: quel bonsaïka peut prétendre à bien s'occuper, à commencer par bien prélever, un yamadori d'exception, comme celui qu'on voit massacré sur EB? Un très petit nombre, en fait.

La plupart, dont je fais partie, ne sont pas du tout sûrs de mener cette mission, souscrite dès qu'on a extrait l'arbre, à son terme, ne serait-ce que parce qu'elle dépasse le temps d'une vie humaine.

Cela pour dire que le rapport à ses bonsaïs, à mon avis, devrait relever d'abord d'un lien strictement personnel avec eux, réaliste, dénué notamment d'interférences comme celle du m'as-tu-vu à posséder de beaux arbres, comme cela se constate de plus en plus. Il serait bon que nous gardions la tête froide, en somme.

C'est vrai que cette manière de voir apparaît beaucoup mieux partagée par les bonsaïkas qui forment de A à Z leurs arbres, et beaucoup plus difficile à faire admettre aux yamadoristes.

J'en suis un (amateur), et je reconnais sans problème que c'est une chasse au trésor, excitante, mais à chacun de raisonner ce genre de pulsion, ensuite, ce qu'on peut faire à l'occasion, si triste, de voir sur EB combien cette passion peu aussi faire perdre les pédales, qu'on soit préleveur ou client.

C'est pas nouveau....

 

http://www.parlonsbonsai.com/forums/index.php/topic/5939-les-prelevements-coup-de-gueule/

pour rebondir sur ce qu'a dit Quatrefi, les japonnais ont fait une récolte tellement importante d'itoigawa que les montagnes en sont dépourvues, au mieux il en reste pas beaucoup

c’est d’ailleurs pour ça que le prix des itoi est si important

après oui c’est vraiment horrible pour l’arbre ce prélèvement sauvage, arbre multicentaire que la nature a mis longtemps à faire émerger

mais il ne faut pas oublier les petits arbres beaucoup moins vieux et imposants qui sont massacrés à tour de bras car mauvais prélèvements, manque de technique, mauvaise évaluation des risques et des chances de reprises, mauvaise période etc …

Peut être qu’il faut une image choc pour espérer que ça fasse bouger les choses (même si le bonsaï est peu connu, même si c’est dans un magazine coûtant 8€ et même si ça a eu un petit effet médiatique dans le monde virtuel du bonsaï)

mais est ce que ça aidera vraiment à arrêter le prélèvement sauvage et meurtrier ? Est ce que c’est comme les fumeurs ? les « images chocs » et les messages dissuasif n’ont ama pas eu beaucoup de succès notamment quand tu croises des collégiens de 13 ans clope au bec

donc est ce que cet article, courageux et honnête, sera bénéfique (ce que j’espère) ou n’aura pour effet que de soulever une petite vague d’émotion passagère qui sera dissipée au printemps prochain ?

Pour répondre à Fredy, non, c'est pas nouveau, mais surtout, la situation se dégrade. De quoi réfléchir encore au problème et envisager de le raisonner différemment, parce qu'il a évolué lui-même, depuis le moment du lien que tu mets.

Quitte à me répéter, il s'agit d'une prise de conscience perso, et là-dessus je crois à l'action des médias, aux forums par exemple, pour faire la promotion d'une mesure des choses, pour la faire largement accepter, sans l'à-priori de stigmatiser quiconque. Un peu comme on a réussi à faire admettre le tri des ordures, qui ne culpabilise personne à produire des déchets, mais donnant un axe de comportement plus rationnel.

Et puis, ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, Baboulet. C'est déja "vachement" bien qu'on puisse voir dénoncer ça dans un magazine commercial, une sacrée avancée!

Un arbre, c'est un être vivant, pas un morceau de bois avec quelques feuilles!

Celui qui massacre un arbre de cette manière n’a rien à voir avec l’art du bonsaï, et le respect qu’on doit à nos arbres!!!

Triste réalité malheureusement, certains n’ont pas de limite, ni dans l’expension de leur ego, ni dans leur ignorance, les deux vont d’ailleurs souvent de paire!!!

Et si c’est pour faire du fric, ça se passe de commentaire, le fric n’a jamais apporté grand chose de bon, ça aussi, on le sait!!!

Respect, c'est bien le mot... Mais qui ne fait pas bon ménage avec un billet de 1000 euro. Alors on pourrait commencer par éviter de mélanger ce genre de torchon avec nos serviettes, en refusant de céder aux sirènes du commerce clandestin.

Il est transfrontalier, apparemment, c'est aussi une nouvelle dimension du problème dont on se serait bien passé.

Vous savez tous qu'au Japon ils ont prélevé intensément au 20éme siècle, et tellement prélevé que maintenant c'est purement et simplement interdit.

Ils ont des arbres autrement maintenant et ils sont toujours aussi beaux ;)

Humm, pas certain. D'abord comme Tsubaka l'a dit, les productions actuelles sont peut-être pas aussi belles mais en plus, deux professionnels japonais avec qui j'en ai parlé, m'ont dit à mots couverts que le yamadori continuait. L'un deux a même lourdement insinué que sans le yamadori, il n'aurait pas pu se lancer.

Il me semble que Kawabe prélève ou fait prélever les ifs qu’ils travaille maintenant. A confirmer ???

Si je ne me trompe pas, les ifs que Kawabe travaille en ce moment sont issus du "jardin" d'un monastère, qui utilisait les branches d'ifs pour faire les compositions du temple (de mémoire, ce devait être dans le France Bonsaï consacré à ce projet... ?). Je ne me souviens plus par contre s'ils devaient être arrachés ou non avant que Kawabe ne les récupère...

 

Un peu comme les vieilles haies autour des chateaux forts, ou les grenadiers de l'orangerie de Versailles, qui me donnent parfois des envies de prélèvement ;-)

Pour les ifs de Kawabe, pour autant que je me souvienne c'étaient des ifs utilisés pour la production  de branches servant pour les bouquets. C'est donc le prélèvement d'arbres autrefois cultivés par des propriétaires privés et laissés à l'abandon. Pas vraiment comparable donc au yamadori dont il est question dans l'article.

Reste à savoir si les japonais traitaient les arbres comme les sauvages dont on parle.

Il me semble que, pendant un bon moment de l'histoire, les préleveurs formaient une sorte de corporation connue pour son courage à explorer les falaises du Hokkaïdo, à la recherche des épicéas jesoensis, notamment. Vu le soin que ce peuple apportait à toute activité manuelle, à cette époque (et encore maintenant), on peut supposer que ces préleveurs avaient un autre respect des arbres que celui qu'on observe chez nous.

Un jour, j'ai observé des préleveurs, dont l'attitude m'a fait penser qu'ils avaient tout du clandestin, opérant sans autorisations.

Ils s'attaquaient à des petits pins pris dans des fentes de calcaire, une des pires situations pour assurer un bon prélèvement.

Et bien, chaque arbre ne leur demandait pas plus d'une dizaine de coups de marteau (faciles à compter, au milieu du silence de la montagne) et un gros quart d'heure pour les extraire, alors qu'il fallait raisonnablement au moins deux heures à cet endroit pour avoir une chance de prendre de quoi faire survivre le plus facile à prélever des arbres. 

J'ai vraiment compris, ce jour là, que le but n'était pas de préserver les spécimens, mais plutôt d'en prélever un nombre X sur lequel ces gens comptaient avoir une reprise Y, même minime, quitte à mettre tout le reste à la benne.

Ce n'étaient pas des professionnels, j'en suis sûr, alors que penser de l'impact des pillards organisés pour en remplir des camionnettes, et c'est tout, comme d'autres le font des champignons... Atilla n'aura sans doute pas fait mieux!