Plaidoyer pour l'Amélanchier ovale : un sauvage délicat

Il existe une bonne vingtaine d’espèces du genre Amélanchier sur la planète. La majorité de ces espèces croît à l’état sauvage en Amérique du Nord.

Amelanchier ovalis est l’unique espèce européenne du genre. C’est une raison suffisante pour attirer mon attention. Mais ce n’est pas son seul attrait, loin de là.

Je vous propose dans ce sujet de décrire cette espèce sous l’angle du bonsaï, estimant qu’elle mériterait plus de considération qu’elle n’en a aujourd’hui dans ce domaine.

Je le ferai à travers mes observations dans la nature et lors de la culture en pot de l’espèce tout en comptant sur les vôtres.

Répartition de Amelanchier ovalis (Berlette, Néflier des rochers, Poirier des rochers) en France

Traductions

Occitan : Amalenca

Québec : “petites poires”

Langue Cree : Saskatoon

Allemand Felsenbirne (poire des rochers)

Anglais : shadbush, serviceberry

Quand j’ai réalisé qu’il était possible de croiser l’Amélanchier ovale dans ma région, je me suis mis en tête de la débusquer. Je voulais la surprendre dans son élément et cela a bien mis trois ans avant que je n’en découvre le premier individu. Cette rencontre m’a enchanté et démoralisé à la fois.

Enchanté parce que cet arbuste (2 à 3 m max) pousse dans des environnements grandioses : imaginez des espaces ouverts en altitude au bord de falaises. Votre regard porte au loin au-delà du précipice où elle s’accroche à quelques mètres de vos pieds.


Au bord du vide

Démoralisé en tant que yamadoriste, parce que j’ai assez facilement le vertige et prélever cette espèce, bien plus téméraire que moi, me semblait hors de ma portée. De plus elle se trouve sur la Liste rouge de la Flore vasculaire menacée en Alsace avec la mention LC (Préoccupation mineure. Espèce pour laquelle le risque de disparition est faible). C’est le cas dans la majorité des autres régions de l’hexagone.

Après avoir découvert un premier habitat de l’espèce, vous vous faites une meilleure idée des lieux où elle prospère. Rocailles orientées au sud (espèce thermophile), beaucoup de lumière (espèce héliophile), en altitude, sol granitique ou rhyolitique .

Il n’y avait plus qu’à…

(à suivre)

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Ce sujet me met l’eau à la bouche.
Un vrai plaisir que de découvrir ces espèces rustiques.
Le Finistère est semble-t-il dépourvu de cet amélanchier.
Je vais par contre prélever dans mon jardin un semis spontané d’amélanchier canadensis.
Floraison printanière blanche, jeunes feuilles rosées, couleurs d’automne , fruits pour les oiseaux.
Beaucoup d’atouts pour l’amélanchier importé quand même.

Les caractéristiques de l’habitat de Amelanchier ovalis que j’évoquais dans mon précédent message réduisaient significativement mes explorations.

J’ai très vite découvert une demi-douzaine de sites dont la plupart hébergent des arbres inaccessibles mais tous ces endroits sont une véritable réjouissance pour l’œil. Des panoramas époustouflants. Par chance, certains de ces sites sont des pentes très abruptes, mais praticables en grimpant entre les rochers. On y fait des rencontres étonnantes.

Quand vous gravissez ces versants très raides le sujet de vos recherches ne se trouve plus à vos pieds. Il se trouve devant votre visage. L’autre grand intérêt de cette espèce vous saute alors littéralement aux yeux : il s’agit des feuilles de Amelanchier ovalis

Leur taille et leur forme d’abord : les feuilles sont pétiolées, assez petites (∅ 20 - 30 mm), joliment rondelettes, et finement dentelées. C’est leur forme qui a déterminé l’épithète latin ovalis de l’espèce

Leur couleur ensuite : le vert tire vers le gris-bleu avec quelque chose de métallique qui, loin de vous glacer, donne plutôt l’impression d’une robustesse à toute épreuve. Elle résiste à -20°C.

Leur texture, c’est le clou de l’histoire : La feuille plutôt coriace présente une surface fortement pruineuse. Il s’agit de sécrétions cireuses sur les cuticules responsables des reflets bleutés ou glauques sur la feuille. Cette couche de cire entraîne un ménisque de la goutte d’eau avec un angle θE extrêmement obtus (voir schéma ci-dessous). La surface de contact devient minimale.

menisque

Des chapelets de perles se forment sur la cuticule et lorsque la lumière joue à travers les gouttes, cela devient féerique.

Comme on le voit, les feuilles sont fascinantes tout comme la floraison, la fructification ou les couleurs automnales. Mais ceci est une autre histoire…

La floraison de l’Amélanchier ovale est spectaculaire. La fleur blanche proprement dite a un petit air d’edelweiss le côté velu en moins.

Il est facile d’amener cette espèce à la floraison. Il suffit de deux ou trois années après le prélèvement d’une pousse au diamètre d’un crayon pour voir apparaître la première inflorescence au mois de mai.

Des fleurs , mais à quoi bon ? L’Amélanchier ovale est capable de produire des graines sans reproduction sexuée (apomixie). La pollinisation stimule le développement de l’une des cellules diploïdes de l’ovule qui reproduit ainsi le génotype strictement maternel. Il faudrait donc plutôt parler de « fausses fleurs ». La plante se clone au moyen de ses graines tout comme le pissenlit.

Sur les arbres sauvages, vous découvrirez la couleur violette des fruits à maturité. Ils ont la taille d’un petit pois.


Fruits mûrs


Fruits murissant

Les oiseaux, en particulier les merles, en sont particulièrement friands. Les renards, les martres ou les fouines les consomme aussi. Les pépins résistent aux sucs gastriques des mammifères qui contribuent ainsi à la dispersion de l’espèce. Les drupes sont aussi comestibles par l’Homme qu’elles soient crues ou, plus délicieuses encore, cuites.

C’est étonnant quand on sait qu’il faut éviter de mâchouiller les feuilles qui contiennent des toxines

Ces fruits sont riches en antioxydants, en fibres et en pectine ce qui en fait un candidat idéal pour la confiture. On peut aussi les préparer en compotes ou en sirops, en gelées, ou en coulis. Vous pouvez en faire un vin ou une liqueur, ou en aromatiser un vinaigre.
Au Canada, l’amélanche entre dans la composition d’une sauce qui accompagne un rôti de bœuf. .

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Pas du tout d’accord avec toi, même si elle parait inutile à première vue, la fleur est nécessaire pour initier les tissus du fruit et de la graine, même sans fécondation… pas de fleur pas d’ovule et de tissus l’entourant, donc pas de fruit ou de graine :slight_smile:

[ Ce n’est pas ma spécialité, mais il me semble qu’au moins pour certaines espèces de plantes, l’apomixie n’entraine pas la suppression totale de la méiose (si un spécialiste peut confirmer, cela m’interesse :slight_smile: ) ]

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Oui bien sûr et j’ai bien écrit « La pollinisation STIMULE le développement… »
Quant à la phrase "Des fleurs , mais à quoi bon ? " ce n’est qu’une accroche, évidemment.
C’est une figure de style qu’on ne se permettrait pas dans un article scientifique dont tu as l’habitude. Mais sur un forum on peut se lâcher un peu.