Le chêne et le roseau

Le mois dernier je tombe sur un chêne abattu par le vent dans un vaste pré.

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Ce qui m'a intrigué de loin c'est l'endroit de la cassure : en arrivant sur la dépouille j'ai rapidement compris l'origine du mal qui a frappé ce colosse. La partie à terre était truffée de nombreuses ouvertures à l'emplacement d'anciennes branches creusées par les pics-vert, les hiboux, les loirs et toutes ces bestioles qui adorent se nicher dans les troncs creux. L'arbre était un véritable HLM.

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Pour ce qui était de la partie encore érigée, la chute de la fable de La Fontaine m'est immédiatement venue à l'esprit :

 

Du bout de l'horizon accourt avec furie

Le plus terrible des enfants

Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs.

L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.

Le vent redouble ses efforts,

Et fait si bien qu’il déracine

Celui de qui la tête au ciel était voisine,

Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts.

 

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C'est au pied de l'arbre, dans la racine, à fleur de terre, que je découvre la porte qui donne sur l'empire des morts. J'ai pu y mettre mon bras sans toucher le fond.

On est dans du Walt Disney, dans le genre arbre conte de fée.

 

Alors, voilà : je me pose la question de savoir comment arriver à un tel résultat sur un bonsaï.

Je vois d'abord deux écueils majeurs :

-La proximité du substrat entraîne des risques de pourriture

-La formation d'un cal cicatriciel qui entourerait entièrement l'ouverture devrait être difficile à atteindre.

En tout cas le recours à une espèce qui forme de beau cals (Chêne, Hêtre …) me semble être impérative.

Par ailleurs une protection au mastic pour obturer le trou serait sûrement indispensable durant le processus de cicatrisation.

Quand on coupe les racines-tuyau le moignon restant semble être un éventuel candidat à une telle opération.

 

J'aurais aimé avoir votre opinion sur la pertinence d'une telle opération, et le cas échéant, comment procéderiez vous.

en ce qui concerne la pertinence:

  • d'un point de vue esthétique: c'est une affaire de goût.
  • d'un point de vue horticole: je ne pense pas que ce soit un problème, le parties mortes auront tendance à se dégrader plus vite mais les parties vivantes ne devraient pas être affectées si l'arbre est cultivé correctement.
  • d'un point de vue mécanique: l'arbre sera plus fragile.

 

en ce qui concerne la mise en œuvre:

  • tu coupes ou tu écorces suivant le cas de figure.
  • tu mets du mastic.
  • une fois un cal satisfaisant formé tu creuses.

 

  • d'un point de vue esthétique: c'est une affaire de goût.

Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas s'émouvoir devant un tel trou de lapins ou de Hobbit, non ?

Évidemment pour ceux qui n'auraient pas la référence aux premiers dessins animés de Disney, ce terrier ne parlerait pas.

Le meilleur test c'est de voir la réaction des gamins face à une entrée de terrier dans une souche. Ça les excite vraiment.

 

 

  • d'un point de vue mécanique: l'arbre sera plus fragile.

Si peu !

 

d'un point de vue culture :

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La difficulté que je vois est de trouver le bon départ de racine qui possède beaucoup de radicelles en dessous de manière à ce qu'il y ait le plus possible de sève qui circule, elle-même génératrice du cal cicatriciel.

 

En somme, je ne trouve pas tout cela aussi évident que tu le décris.

tu demandes une opinion je te donne une opinion.

après, ce que tu en fais, ça concerne plus toi que moi.

si elle ne te convainc pas, le mieux c'est peut-être de l'écarter.

haha l'idée est bonne mais je m'interroge sur la longévité.

Cela ne va-t-il pas se refermer avec le temps ?

J'avais vu un arbre sur l'insta de walter pall qui avait un peu cet esprit je vais essayer de le retrouver

Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas s'émouvoir devant un tel trou de lapins ou de Hobbit, non ?

non, c'est aussi une affaire de goût, et on peut aimer voir ce genre de choses dans la nature, mais pas sur un bonsaï. perso, j'aime bien, mais j'arrive à comprendre ceux qui préfèrent laisser cette beauté à la nature.

 

Évidemment pour ceux qui n'auraient pas la référence aux premiers dessins animés de Disney, ce terrier ne parlerait pas.

Évidemment?! ah, j'aurai pensé que les dessins animés de Walt Disney  n'étaient pas la seule manière de s'ouvrir aux beautés de la nature...

 

 

La difficulté que je vois est de trouver le bon départ de racine qui possède beaucoup de radicelles en dessous de manière à ce qu'il y ait le plus possible de sève qui circule, elle-même génératrice du cal cicatriciel.

Je ne suis pas sûr. j'aurais même plutôt dit qu'il ne fallait pas trop de circulation de sève (trouver un juste milieu) pour que le cal ne soit pas trop puissant et ne rebouche pas le trou. Il faut d'ailleurs peut être partir sur un projet à long terme:

-faire grossir une racine de façon importante tout en formant l'arbre.

-couper cette racine une fois que l'arbre est formé ou presque (pour qu'il n'y ai plus besoin de trop de vigueur ni de branche à laisser tiger).

-limiter la vigueur et le nombre des petites racines qui partent de la cicatrice pour former un petit cal ( proportionné à l’échelle de l'arbre)

-creuser la racine coupée

-maintenir le tout à une vigueur modérée pour que la patine s'installe sans que le cal prenne des proportions démesurées.

 

Le Prunus Mahaleb s'adapterait bien à ton idée / projet...

haha l'idée est bonne mais je m'interroge sur la longévité.

Cela ne va-t-il pas se refermer avec le temps ?

 

.... j'aurais même plutôt dit qu'il ne fallait pas trop de circulation de sève (trouver un juste milieu) pour que le cal ne soit pas trop puissant et ne rebouche pas le trou.

......

-maintenir le tout à une vigueur modérée pour que la patine s'installe sans que le cal prenne des proportions démesurées.

C'est marrant, parce que personnellement j'aurais plutôt tendance à craindre, dans une telle conformation, un cal cicatriciel qui aurait du mal à se former ou à se former inégalement sur le pourtour de la coupe.

Quand on coupe la racine pivot , bien verticale, d'un arbre réputé pour bien cicatriser, deux années après la taille on observe un bourrelet conséquent tout autour de la section.

Mais quand on procède à la taille d'une racine tuyau plutôt horizontale le bourrelet est souvent aléatoire.

 

De plus , pour réaliser un tel terrier la coupe de la racine devrait se faire avec une forme dont nous avons peu l'habitude. Je pars du principe que l'entrée présente une forme analogue à celle que je montre dans le premier message.

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Toutes ces raisons font que j'affiche peut-être une certaine prudence.

Ce sujet c'était aussi pour moi l'occasion d'être rassuré sur une technique que je n'ai pas encore expérimentée. Je pensais que d'autres avaient eu la même idée et qu'ils s'y sont essayés.

pour l'inégalité du cal, il peut être envisageable d'enterrer toute la cicatrice pour avoir des départs partout autour, sur la partie supérieure, n'en laisser rapidement que quelques unes pour qu'elle grossissent de quelques mm, et ensuite les couper en laissant un très petit moignon, lorsque le cal continuera sa formation, ces moignons devraient créer des irrégularités.

 

ou alors de ne reprendre le cal que par endroit.

Créer des irrégularités en conservant des moignons de racines me semble une bonne idée.

Je pensais a priori  plutôt à la seconde solution : reprendre / sculpter le cal.

Une combinaison des deux peut être ?

Pour l'instant j'essaye d'établir une liste d'essences que je cultive et susceptibles de convenir à l'opération. Au Prunus mahaleb proposé par PPDL je rajoute le Chêne et le Hêtre. Le cotonéaster, l'orme champêtre ?? Les résineux, le tilleul, le charme, l'aubépine (bien sûr) le châtaignier  me semblent exclus.

Vous en voyez d'autres ?

pourquoi exclure l'orme champêtre, le charme et l'aubépine?

 

D'autant qu'on voit beaucoup plus de "trous de chouettes" ou similaires - qui pourraient s'apparenter a ce que tu cherches a faire, sur des ormes que sur des chênes, en bonsai... 

Je suis parti sur l'idée de sélectionner des espèces qui développent de jolis bourrelets cicatriciels.

Vos remarques me font penser qu'il ne faut peut être pas écarter trop rapidement les espèces plutôt fainéantes du bourrelet.

Par ailleurs vos remarques se fondent sur les Uro dans les branches ou le tronc. Or il y a peu de données sur ce type de trous dans les racines. Autrement dit ce qu'on observe sur les branches n'est peut-être pas extrapolable tel quel sur les racines.

Pour envisager de se lancer dans un projet "terrier dans une racine" il faudrait tout de même partir d'une racine ayant au moins 2 à 3 centimètres de diamètre. Puis on pourrait s'assurer, pour des raisons esthétiques, d'une formation de cal conséquent quitte à le réduire et le "sculpter". Je pense qu'un petit liseré de bourrelet peu évolutif ne rendrait pas l'effet recherché.

 

J'ai donc sorti ma boite de moignons de racines-pivot initiée en 2018 et j'ai observé les cals. Ils ont en moyenne deux ans d'âge.

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J'ai un moignon d'aubépine quasiment sans cal et un autre avec (bien qu'il ne soit pas très joli).

 

Dans mon dernier message je n'écarte pas l'Orme . Je le fait suivre d'une double interrogation. L'espèce montre des bourrelets bien formés sur la racine-pivot, mais dans ma boite il s'agit d'arbres bien vigoureux ayant encore pas mal de réserves après prélèvement.

 

Le Cornus mas qui cicatrise de manière spectaculaire dans les branches ne fait quasiment pas de bourrelets dans les racines d'après ce que je vois.

 

Les pivots de Quercus robur et Q. pubescens cicatrisent très bien

 

Une des plus belles cicatrices dans ma boite est celle d'un épicéa. Elle est totalement refermée et de manière homogène. Mais je n'ai pas envie de me lancer dans une expérience de terrier avec cette espèce et je n'ai pas de nebari ad hoc.

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@hin175

Il est vrai qu'on voit plus d'Uro sur des ormes que sur des chênes en bonsaï. Mais cela peut venir du fait qu'il y a beaucoup plus d'ormes, toutes espèces confondues, que de chênes cultivés en bonsaï.

D'autres part je me méfie comme de la peste de ce qu'on voit majoritairement et qui serait simplement le fruit d'une mode ou d'une tradition ou des deux.

Enfin, comme exprimé plus haut, ce qui marche en haut de l'arbre ne marche pas forcément de la même manière en bas dans les racines.

à mon avis si tu veux partir sur un bourrelet bien actif et épais, il vaut mieux tabler sur une racine de 5cm de diamètre, donc un gros sujet.

Pour que le bourrelet prenne de la patine, il faudra bien qu'à un moment tu le laisse tranquille sans le reprendre tous les ans donc avec une espèce qui cicatrise fort, tu vas vite avoir un bourrelet d'au moins 1 cm... sur une racine de 3cm, il ne resterait au mieux un petit trou qui amha ne donnera pas l'effet escompté.

 

Les cals que tu as sur les pivots que tu as coupé ne reflètent pas forcement le résultat que tu aura car si ils n'ont pas cicatrisé, c'est peut être simplement parce qu'il n'ont pas refait de racines, les racines tirant la sève élaborée se trouvant au dessus, cette sève n'a pas pu contribuer à la formation du cal sur son passage, et dans ce cas, l'arbre a surement réagit à la taille du pivot en compartimentant ses tissus en dessous de la dernière racine.

D'ailleurs l'opération est quand même risquée, car si jamais l'arbre ne veut pas refaire de racine (au moins en bas de la cicatrice) tu auras bien endommagé le nebari de l'arbre pour rien. Peut être que c'est la raison pour laquelle on ne voit pas trop ce genre de détail esthétique sur les bonsaïs.