Et que dire des morceaux de flute japonaise qui assaillent avec leur gamme pentatonique mes oreilles plus aptes à apprécier Brahms, Corelli ou Schubert.
Là je suis bien d'accord avec toi, ça me laisse de marbre et au bout de 10 mn ça me les brise menu, comme la musique dans un resto, un ascenseur ou une grande surface d'ailleurs
Je crois qu'il faut voir la présentation des bonsaï comme n'importe quelle expo. L'exposition de toiles de Cézanne ou de Picasso obéit également à des codes, des règles. Il y'a un fil conducteur ou une trame qui positionne les toiles les unes par rapport aux autres, selon leur thème, la période vécue par l'artiste, voire les oeuvres d'autres artistes en miroir. Simplement on ne le remarque pas ou on trouve ça tout à fait normal, voire attendu.
Les artistes contemporains se sont ingéniés à sortir du carcan du tableau, une toile de jute tendue sur un cadre en bois, d'où les "installations" d'écrans, de télé ou la mise en scène d'objets divers, de l'urinoir de Marcel Duchamp à la figuration libre, l'art numérique, l'esthétique relationnelle. Je ne suis pas certain que le grand public s'y retrouve pour autant. Alors que dans une exposition de bonsaï, il est parfaitement capable d'apprécier et de comprendre, même si la présentation des arbres est codifiée, selon des principes issus d'une autre culture.
Les arts martiaux aussi sont très codifiés et ceux qui pratiquent judo, karaté, jiu-jitsu, aïkido, kendo et j'en passe, connaissent par coeur un certain nombre de kata. Est-ce pour autant la finalité? Je ne crois pas. Il en est de même du bonsaï. je crois qu'il faut en connaître les codes pour pouvoir s'en affranchir.
Peut-on ou doit-on pour autant présenter le bonsaï autrement? Il me semble que bien des tentatives ont déjà eu lieu. Je me souviens d'une expo à Nantes (2004?), les supports étaient de simples caisses en bois évoquant les caisses voyageant dans les soutes des bateaux, en liaison avec l'ancien rayonnement maritime de la ville. L'Euro Bonsai Top Ten organisé par F. JEKER à Mulhouse présentait des bonsaïs dans une scénographie de lumières parfaitement bien étudiée pour magnifier ces arbres. D'autres expositions ont mêlé sculptures sur bois ou peintures et bonsaï ou encore bonsaï et graffitis et tags d'un art urbain.
Il ne faut pas oublier qu'une expo comme Maulévrier reste l'exposition d'arbres d'amateurs qui font avec les moyens qu'ils ont. Et l'organisateur, s'il dispose de photos, n'a pas les arbres sous les yeux pour créer une scénographie différente, plus personnelle. Il n'a pas non plus les moyens de mettre en place un éclairage spécifique ou un décor élaboré. Ce type d'exposition à vocation nationale reste le reflet d'oeuvres d'amateurs à comparer avec l'Euro Bonsai Top Ten, dont les bonsai sont quasiment tous, ceux de professionnels ou de grands noms du bonsaï européen ce qui revient presque au même.
D'un côté c'est une association qui fédère un groupe d'amateurs éparpillés au quatre coins de l'ouest de l'hexagone, dans une petite ville, certes pourvue d'un magnifique parc oriental, de l'autre une capitale régionale avec un artiste comme Jeker qui est en capacité de concevoir lui-même une scénographie étudiée, pour un nombre très limité de bonsaï choisis parmi les plus beaux d'Europe.
Dire que le monde du bonsaï est frileux ou qu'il reste englué dans une imitation de codes japonais est à mon avis inexact.
Il ne faut jamais oublier ni perdre de vue que la plupart, sinon la majorité des expos sont mise en place par des bénévoles, parfois avec un tout petit budget, la plupart du temps sans budget et seulement une salle prêtée par une mairie ou une association. Ce sont des petites mains qui viennent disposer les tables, les tissus des fonds, distribuer des affiches, puis ranger, balayer et nettoyer derrière.
Et sachant qu'il faut présenter des arbres d'amateurs, je trouve qu'il est mieux de rester dans une certaine codification, d'espace et de présentation, ce qui limite à la fois les dérapages et les fautes de goûts. Quand un arbre n'est pas forcément à son niveau le plus haut, une présentation avec une tablette et une plante d'accompagnement permet d'éviter que le regard soit tout de suite attiré par les défauts de l'arbre et l'ensemble peut être quand même agréable à regarder, même si ça ne fait pas vibrer.
La chance à Maulévrier c'est d'avoir une belle place pour chaque arbre et un support technique et bénévole bien rodé et très à la hauteur. Il suffit de regarder la qualité des affiches, des artistes invité, des signalétiques pour chaque arbre, des professionnels présents et de l'organisation globale. C'est aussi l'occasion de retrouver des potes et discuter sans fin, sur la justesse du placement de telle ou telle branche, le bien fondé du choix de tel pot avec tel arbre, ou le pourquoi de telle face plutôt que telle autre.
Enfin, pour finir, je pense qu'il faut, un jour, oser sauter le pas et exposer un arbre dans une expo de club, une expo régionale pourquoi pas. On se confronte alors aux impératifs esthétiques propres à l'arbre, on se penche sérieusement sur la méthode pour amener l'arbre à son maximum, on soigne le pot, l'accompagnement. Mine de rien c'est ce qui fait avancer. Travailler ses arbres dans son coin, sans se confronter un jour à l'exposition, sans tout mettre en oeuvre pour parfaire la présentation est purement stérile. Ensuite qu'il y'ait une plante pour accompagner l'arbre, une statuette africaine, ou un simple agglo en ciment comme support, n'a aucune importance, si l'ensemble est cohérent.
Travailler ses arbres chez soi c'est bien, oser montrer son travail c'est mieux.