De la forêt au duo d'ormes champêtres

Mes essais à construire une forêt d'ormes champêtres remontent au bas mot aux années 1990.

Il m'arrivait de réaliser la bonne disposition, mais avec des arbres insignifiants ou trop jeunes, Quand je possédais des arbres potables ils se mettaient à faiblir, voire geler quand ils n'ont pas desséché. Dans le tas, certains passaient ces épreuves, mais ça ne marchait jamais de manière satisfaisante.

 

De fil en aiguille, je me retrouve autour de 2016-17 avec une forêt de 5 arbres dont celui de gauche s'était le mieux tiré de cette valse-hésitation.

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C'était le plus gros, le moins moche, mais il était complètement à l'extrémité de la composition. Saugrenu, non ?

Une place plus centrale lui était interdite par la disposition de ses vénérables charpentières, sans parler de ses racines.

J'ai essayé de jouer sur les contrastes en remplaçant un des arbres moyen par un tout jeune à l'arrière. Rien n'y faisait.

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On est à l'automne 2018 quand je décide de mettre tout ce beau monde en pleine terre.

2018 …. 2019 …. 2020 et le printemps 2021 arrive

 

Alors que s'est-il passé pour que j'en arrive aujourd'hui à ça ? Comment justifier ce changement radical ?

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PS : Puisque les textes longs en rebutent beaucoup, je vous propose mes explications illustrées pour une prochaine fois

A suivre

c'est pas courant de voir des duos d'arbre mais tu as l'air d'avoir respecté le principe du père et son fils 

Moi je sais pas si sa se fait ou pas mais a vrai dire les codes japonais c’est pas mon truc,

Par contre je trouve qui ya vraiment quelque chose qui en ressort et je le trouve vraiment top

Oui, je le trouve harmonieux moi aussi, j'aimes bien les vides, les trouées dans le feuillage, joli !

..... mais tu as l'air d'avoir respecté le principe du père et son fils 

 

Il n'y a pas de principe "père et fils". Ce serait tout au plus une allégorie sexiste. Pour moi, le sexisme est à combattre du pays du soleil levant à ceux du soleil couchant. Ceci dit, un pseudo-principe "mère et fille" serait tout aussi ridicule.

Quoiqu'il en soit j'évite ce genre de japoniaiseries

 

Ce que je sais des réflexions de nos prédécesseurs en matière d'esthétique, c'est que, pour un esprit éduqué en occident, la symétrie ou la répétition à l'identique (ici la taille) est monotone ou convenue, donc ennuyeuse et que par conséquent elle est à éviter dans les arts plastiques aujourd'hui.

Ce n'est pas le cas dans d'autres cultures. Les arabesques par exemple sont des motifs hautement symétriques et répétitifs

Très beau, ça me fait immédiatement penser à un adulte accompagné d’un enfant. Espérons pour le second que le premier soit animé d’intentions honorables.

Un prêtre guidant son jeune enfant de coeur vers la lumière, peut-être ?

Revenons à nos ormes champêtres

 

Au mois de Mars dernier j’étais bien décidé à refonder une énième fois cette forêt d'ormes. J'étais d'autant plus motivé que j'avais réunis ces dernières années des arbres supplémentaires à rajouter pour arriver à un résultat plus probant.

 

Après deux journées entières à bouger mes arbres, à les disposer, à échanger leur place, à remplacer celui-ci par celui-là, je me suis couché avec un mal de dos de tous les diables à force de manipuler un pot de 60cm de long.

La nuit porte conseil.

Le lendemain, au petit déjeuner, je décide d'abandonner définitivement l'idée de construire une forêt d'ormes qui pèserait une tonne. J'en avais rêvé au moins 30 ans, mais voilà..... il fallait se rendre à l'évidence, je n'étais pas assez bon.

 

Ce qui n'allait pas, c'est que j'avais un bel arbre qui était déprécié dès qu'il se trouvait avec sa bande de rogatons.

Il fallait changer son fusil d'épaule : tout simplement accompagner mon orme de caractère d'un arbre qui le valorise. Créer un couple en compensant la disposition dissymétrique des charpentières du premier par un second qui soit à sa hauteur question tronc, écorce, âge etc...

Je fouille dans ma plate bande et je lui trouve un compagnon pas trop minable. Cet arbre avait perdu sa première charpentière suite à une taille "à blanc". On la voit encore dans ce cliché de 2019.

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Après avoir écarté la charpentière morte, le mouvement du tronc de cet arbre de pleine terre pouvait compléter la droiture de l'orme , reliquat de la forêt.

Mars 2021 : Association des deux arbres, brut de décoffrage, avant la nécessaire taille de branches

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Vue de face. Il reste encore le moignon de la charpentière

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Le critère qui a emporté la décision en fin de compte, c'est la maturité équivalente des deux écorces qui contribue à l'unité de la composition

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Juste une question, pourquoi les avoir repasser en pleine terre?

 

Le critère qui a emporté la décision en fin de compte, c'est la maturité équivalente des deux écorces qui contribue à l'unité de la composition

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salut, c'est vrai qu'ils ont du caractère avec ces ecorces matures. Par contre je trouve que les diametres sont assez equivalents entre le tronc père (ou principal) et le tronc fils (ou secondaire). En general quand on fait un multi-troncs, on choisi de prendre des diametres de tronc differents pour eviter l'effet de symetrie et la monotonie (arbre principal = foint focal). Peut-être qu'avec le temps tu vas corriger ça en laissant pousser le tronc principal ?

Perso j'aurais choisi un tronc fils au tronc plus fin parmi ceux de ta forêt initiale mais comme on dit chacun ses gouts ;)

Juste une question, pourquoi les avoir repasser en pleine terre?

Je lis dans mon carnet de bord à la date du 22 Mars 2019

".Mise en pleine terre.

…les arbres devraient prendre de la vigueur. Ces dernières années le feuillage n’a pas explosé malgré les rempotages, malgré l’espace offert au développement des racines. J’opte pour la pleine terre plutôt que la caisse de culture. Cela permet aussi de dégager de la place sur les étagères."

 

Je cultive des ormes depuis le début des années 1980. Mais je dois avouer qu'ils me posent un problème au bout de 10 ans de culture dans un pot. Après une douzaine d'années, ls faiblissent, le feuillage est moins vert et les pousses de plus en plus timide.

Je rempote tous les 2 à 3 ans.

Mon substrat est composé majoritairement de pumice avec environ 30% d'akadama et 10% d'un substrat rétenteur d'humidité comme l'écorce de pin compostée ou la tourbe blonde

C'est la seule espèce que je remette en pleine terre de temps en temps pour la requinquer.

Voilà une des raisons pour laquelle ce qui était initialement une forêt de 7 arbres est passée en pleine terre.

 

Une autre raison, c'est qu'il me fallait un peu de temps pour récupérer et acclimater quelques ormes champêtres issus de mon terrain militaire préféré et qui pourraient - pensais-je à l'époque - étoffer ma forêt. Un séjour en pleine terre "en attendant" en quelque sorte.

Le terrain militaire, c'est bien, car c'est sans autorisation.

 

Enfin j'avais sacrifié à cette pratique dans les années 1990 et j'ai vu l'effet sur les épaisseurs de troncs et l'aspect de l'écorce. C'était concluant, sauf qu'après j'ai perdu les arbres de la forêt sauf le gros pépère  de la composition ci dessus

 

Mais attention !!

entre 2019 et 2021, j'avais omis de sortir de terre la forêt pour tailler les racines : Erreur !! L'orme aime faire de jolis tuyaux .

Donc si vous voulez avoir recours à cette pratique il faut IMPERATIVEMENT réduire les racines à chaque printemps !!

 

@Clem : je répondrai à ta remarque plutôt judicieuse dans un message dédié qui suivra

Petite question : Lors des rempotages, comment traites-tu le racinaire de tes ormes ? À la façon d’un érable, en coupant tout les racines qui occupe le Shin de l’arbre ou plutôt comme un pin, en laissant intact une partie du Shin ?

Désolé, mais je ne sais ce que c'est que ce Shin

Le Shin est l’ensemble des racines poussant directement sous la base du tronc. Il y a donc les racines latérales et le Shin, dont je ne pense pas qu’il y a vraiment d’équivalent français pour le désigner. Je t’ai posé cette question, car je écouté une entrevue très intéressant il y a peu avec Ryan Neil. Celui-ci évoquait que de constamment couper toutes les racines du Shin chez des espèces telles que l’orme provoquait sur le moyen et long terme l’affaiblissement des arbres et que ceux-ci avaient besoin que le Shin soit laissé en partie intacte. En fait, tout couper les racines du Shin est selon lui pour les érables japonais et trident et pas nécessairement une bonne chose sur le moyen et long terme pour les autres feuillus. Cela amène une autre question mentionne-t-il, est-ce que nous avons tendance (occidentaux)  à utiliser des pots trop peu profonds pour de la culture a long terme des feuillus, alors que ceux-ci sont utilisés pour des arbres en exposition au Japon, mais seulement pour quelques années. Ses arbres sont ensuite cultivés dans de plus profonds pots.

 

Peut-être que cela peut expliquer le faiblissent après 10-12 ans en pot de tes ormes.

aaahh... ça va mieux !  :-)

Sans pouvoir mettre de nom sur cette zone de l'arbre et les racines qui y prennent source, j'avais remarqué que beaucoup d'espèces n'aiment pas trop être chatouillées dans ces endroits-là. C'est une zone qu'on "attaque" (trop) souvent à la pince concave.

J'ai perdu un érable à feuilles d'aubépines (Acer crataegifolia) en agissant ainsi. Je le pleure encore aujourd’hui (voir ici "Une espèce rare (en bonsaï) dans un style insolite")

 

Depuis cette mésaventure, je suis plutôt prudent. Mais il faut dire que je ne suis pas un  coupeur sévère de racines. Juste les racines-tuyaux subissent parfois mes nevroses

Concernant les ormes, jusqu'à présent je n'ai pas été dans la nécessite de réduire les racines sous le nebari de manière significative. Les pots que j'utilisais ne m'obligeaient pas à intervenir.

Je ne peux donc que t'inciter à intervenir avec pondération sur le Shin . (ça y est je l'ai placé ! Un mot de jargon en plus !)

Intéressant ces propos. En lisant cela je comprend que le portulacaria ne doit pas aimer qu’on lui coupe le shin tous les ans ^^

Effectivement mon gros pousse moins depuis que je nettoie très fort le dessous.

C’est aussi la problématique des chênes.

Bien souvent ce qui est problématique ce n'est pas la technique en elle-même mais bien sa répétition systématique sans questionnement ;) 

Peut-être certaines espèces ont-elles plus tendance que d’autres à stocker leurs réserves sous leur base ou encore disposent dans la nature de deux systèmes racinaires, l’un en surface et l’autre en profondeur qui leur permet d’aller chercher eau et nutriments quand les conditions climatiques sont défavorables ? C’est le cas de l’olivier (bulbe garde manger + double système racinaire) je crois.

La vidéo dans laquelle Rtan Neil parle du Shin

https://www.youtube.com/watch?v=D_1ug-Cc0iE

 

Vers 10 min il commence à décrire la structure de l'akadama et le processus de ramification des racines accompagnée du fractionnement de ce substrat. Intéressant, mais non référencé.

 

A 13 min 45 sec il parle du Shin

il y revient vers 21 min 30'

 

Il y a un fil sur bonsaiNut qui traite de la question du Shin selon Ryan Neil

'Shin' in Ryan soil video

..... Par contre je trouve que les diametres sont assez equivalents entre le tronc père (ou principal) et le tronc fils (ou secondaire). En general quand on fait un multi-troncs, on choisi de prendre des diametres de tronc differents pour eviter l'effet de symetrie et la monotonie (arbre principal = foint focal). Peut-être qu'avec le temps tu vas corriger ça en laissant pousser le tronc principal ?

Perso j'aurais choisi un tronc fils au tronc plus fin parmi ceux de ta forêt initiale mais comme on dit chacun ses gouts ;)

 

Les diamètres sont équivalents, c'est vrai et ce n'est pas l'idéal pour une composition à deux arbres.

Mais cette solution était la moins mauvaise.

Prendre un des arbres de l'ancienne forêt ? Ils avaient tous une écorce encore lisse et paraissaient juvénile par rapport à l'arbre principal. Dans cette ancienne forêt mis à part celui que j'ai conservé il en avait deux autres qui, malgré leur écorce peu intéressante étaient moins moches que les autres. Seulement ils étaient intimement liés par les racines depuis une dizaine d'années. Alors ….

 

J'avais quelques ormes en pot qui étaient prévus pour étoffer la forêt, mais ils avaient l'épaisseur d'un doigt.

 

Ensuite il y avait celui-ci

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Le diamètre du tronc est légèrement plus faible, mais le problème résidait dans la nature subéreuse et non craquelée de l'écorce. Cette différence aurait été inacceptable. De plus je comptais en faire un solitaire

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Et puis  j'avais encore ça dans mon stock.

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Pas convaincant non plus

 

Comme on peut le voir j'ai opéré mon choix avec les moyens du bord.

 

Ceci dit l'arbre secondaire possède peut-être un tronc de diamètre trop similaire à l'arbre principal, mais sa moindre hauteur et donc sa conicité plus forte marque une nette différence. Son mouvement qui l'écarte respectueusement de l'arbre principal est aussi un signe de relégation qui ne laisse pas de doute.

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Pour résumé, je dirais que tu as raison dans l'absolu, mais je crois que la situation présente peut se défendre.

Je ne compte pas sur le temps pour faire une différence de diamètre de tronc significative ... ou alors dans 30 ans peut-être