A propos de la formation d'écorce mature....

Après observation en nature de jeunes plants, je vous propose ici ma réflexion concernant la formation d’écorce mature sur de jeunes feuillus.

Cas d’observations :

De nombreux sujets ont pu être observé en environnement ouvert type lande (région usda 8B), sur substrat peu profond argilo-calcaire, voire totalement pierreux, humide en automne et hiver, assez sec en début de printemps, sec en période estivale…un terrain peu propice à une croissance rapide des végétaux. Les arbres présents isolés sont rabougris, peu haut et rapidement ramifiés. Concernant l’âge, j’ai pu estimer à une dizaine d’années certains plants, beaucoup plus vieux pour d’autres (connaissance du site depuis un peu plus de vingt années). Cette caractéristique est d’autant plus vraie pour certains feuillus comme le chêne ou l’orme champêtre, qui d’ordinaire mettent beaucoup de temps a produire une réelle écorce craquelée (1 siècle pour l’orme). Tous les jeunes sujets qui présentent de l’écorce portent un large manchon de mousse montant du collet sur une grande partie du tronc, jusqu’aux premières branches pour certains.

J’ai pu également observer plus récemment le phénomène sur des aubépines de sous-bois en environnement sableux (zone inondée régulièrement). Couverte de mousse sur une bonne partie de tronc.

Une observation récente m’a été communiquée sur des frênes du sud de la France (Var) en environnement fermé de sous-bois, fortement humide (anciens marécages) .Idem pour la mousse.

Facteurs :

Compte tenu de ces observations on peut réfléchir sur les facteurs communs qui seraient responsables de ce phénomène, j’en énumère la liste qui me parait exhaustive :

  • La présence durable de mousse

  • La luminosité - l’exposition

  • L’humidité ambiante en période de dormance ou à l’inverse la sécheresse relative en période végétative

On peut dés lors se poser la question de leur rôle de manière individuelle, ou au contraire de manière interactive.

Pour les mousses :

  • Rôle des auxines ?

  • Acidification ?

  • Rôle des rhizoïdes dans la fragmentation ?

  • Pouvoir d’absorption de l’humidité du port hôte en période sèche ?

Pour la luminosité :

Le phénomène a été vérifié en milieu ouvert, mais également couvert. L’impact direct du rayonnement ne peut être balancé que par la présence d’un manchon de mousse occultant. On peut peut-être d’ailleurs s’interroger sur l’impact de la réduction partielle/totale du rayonnement sur les tissus subéreux ?

Pour l’humidité/sécheresse :

Il faut distinguer la partie aérienne, de la partie souterraine. La saturation en eau sur du long terme de la partie souterraine ne semble pas vérifiable, même si pour certains cas elle a pu se vérifier sur une période d’une quinzaine de jours.( Elle a eu pour conséquence la formation de racines fasciculées sur certains plants de chêne, mais pas d’écorce en profondeur). Le substrat n’est donc que ponctuellement saturé d’humidité en profondeur (zones inondables). A l’inverse, la zone basse de la partie aérienne est soumise régulièrement à un fort régime hydrique, accentué par la présence de mousses gorgées d’eau et d’herbes occultantes. Cette humidité disparaît en période estivale. Le constat est donc répétitif, cyclique, mais tempéré ces dernières années par une sécheresse relative visible hors période estivale, mais qui ne semble pas altérer, ou ralentir le phénomène. Ce qui laisserait à penser que celui-ci peut être actif sur de courtes durées de temps. Maintenant en comparant avec des arbres de même âge en lieu différent, ce n’est certainement pas durant la période sèche que s’opère la maturation de l’écorce. La différence se ferait plutôt durant la phase humide. On peut donc à mon avis s’intéresser à l’impact d’une forte l’humidité sur les parties aériennes, dans un cadre ponctuel ou répétitif.

…nous avons peut être la réponse dans l’observation de la maturation. Le phénomène est ascendant, du collet aux parties plus hautes. L’écorce à la base est parfaitement formée et mature. Plus on monte , plus elle est partielle, clairsemée, pour devenir totalement juvénile. Dans les parties partielles, on peut noter la formation de liège uniquement au niveau de grosses lenticelles…on est la quasiment aux limites de présence de mousses !

Cela ouvre une autre réflexion : le phénomène de maturation est-il continu dû à certaines conditions ? ou au contraire est-il déclenché ? Nous avons peut être la réponse grâce à plusieurs prélèvements qui portaient à la base mousse et ecorce. Le phénomène de maturation semble bien déclenché, pour perdurer et évoluer ensuite naturellement vers les parties plus hautes. J’ai pu en effet observer sur un chêne et sur plusieurs aubépines l’évolution vers une belle écorce mature des parties plus hautes, mais également plus basses mises a nue (sauf pour le chêne qui semble plus long à émettre de l’écorce sur des parties originellement souterraines). Ceci dans des conditions normales (sans mousse) de culture sur une période de moins de dix années…reste donc à trouver le facteur déclencheur.

Aubépine : on peut voire la partie superieure qui ne va pas tarder a se couvrir d’ecorce comme sur la partie inferieure

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Chêne : meme phénomène

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Idem pour ce frêne…mais on peut voir le developpement liegeux autour des lenticelles !

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Hypothèse :

Après recherches et lectures, je pense que la réponse viendrait des lenticelles et de leur hypertrophie en situation hyper-humide…leur évolution et multiplication finirait par créer des zones subéreuses « adultes »…il faudrait donc se pencher plus en avant sur leur fonctionnement et transformation pour confirmation, mais le phénomène ne serait donc pas ponctuel, mais répété d’année en année, jusqu’à présence importante de couverture liégeuse et évolution naturelle. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, il faudrait donc moins de dix années (âge de certains plants a écorce) !

Afin de vérifier cela, j’ai réalisé une petite expérience sur un plant d’orme dépourvu d’écorce mature. J’ai enveloppé la base du tronc de mousse à longue fibre largement humide, le tout enveloppé sous film plastique à l’instar d’un manchon de marcotte. Le tout réalisé hors période végétative, au début de jaunissement du feuillage. Des clichés seront réalisés régulièrement afin d’évaluer la transformation des lenticelles. Le film plastique sera enlevé en milieu de printemps et remis en automne afin de se rapprocher le plus possible des conditions observées en nature. ( et afin d’éviter un marcottage involontaire)

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