[...]Je n'ai de plaisir qu'avec les arbres dont je suis l'auteur.[...]
je trouve ça étrange comme concept... surtout qu'un bonsai ça se passe de mains en mains et de génération en génération.
Perso, j'ai tendance à être comme Bonsaiphil. Je ne peux évidemment pas expliquer à sa place, mais pour moi, ce n'est pas un concept car ce n'est pas un choix, mais c'est simplement comme cela que cela se passe. J'ai beaucoup de mal à établir un lien (et donc à travailler) avec des arbres que je n'ai pas cultivés depuis longtemps, ce qui fait qu'en fin de compte l'essentiel de mes arbres sont issus de mes semis. J'ai quelques prélèvements, j' ai aussi un certain nombre d'aubépines intéressantes qui m'attendent dans une haie à côté de chez moi mais alors que j'ai demandé l'autorisation il y déjà plusieurs années, je ne les ai pas encore prélevées. Je crois que c'est parce que plus que le résultat lui-même, ce qui m'intéresse, c'est le chemin que je fais avec.
Je ne considère pas que cela soit « mieux » que l'approche décrite par Manumidam (qui est majoritaire) mais j'aimerais quand même bien que cela ne soit pas considéré comme « étrange ». ;)
Tu as raison Lanig, tout est dans le chemin. S'arrêter sur un résultat, c'est arrêter tout court. A ce point de vue, le bonsaï, être vivant, nous oblige de fait à continuer, c'est bien, et serait mieux encore si nos arbres éraient considérés comme des bijoux de famille, des valeurs de patrimoine familial à transmettre, et acceptés comme tels, comme au Japon.
les arbres qui ont le plus de valeurs a mes yeux chez moi sont ceux qui auraient pu finir au composte au début et qui sont devenus "bonsaï" par acharnement après de nombreuses années!
Perso c'est plus leur histoire qui compte: celui-ci a été prélevé chez untel (donc l'arbre me rattache au untel en question); celui-là a été prélevé d'une manière étrange (tapé par une voiture par exemple ;) ), etc etc.
Lanig puisque tu parles de mon approche je la rajoute en citation pour la lisibilité du sujet:
perso j'aime le fait d'avoir au milieu des arbres dont je suis "l'auteur" quelques arbres initialement conçus par des bonsaika que j'apprécie et dont je respecte le travail, ainsi que quelques arbres importés relativement avancés.
et je prends autant de plaisir avec les arbres que je travaille depuis le début qu'avec ceux dont je continue le travail initié par d'autres.
Je ne considère pas que cela soit « mieux » que l'approche décrite par Manumidam (qui est majoritaire) mais j'aimerais quand même bien que cela ne soit pas considéré comme « étrange ». ;)
le terme "étrange" n'implique pas un jugement de valeur. (et d'ailleur je ne pensais pas que mon approche était majoritaire, du moins en occident).
je pense que la plupart seront d'accord sur le fait que ce qui est interessant c'est le chemin. et il est clair que le temps passé avec un arbre est un facteur déterminant dans l'affection qu'on développe pour celui ci.
mais ceci me semble être vrai qu'on travaille un arbre depuis le début ou qu'on poursuive le travail d'un autre. dans tous les cas on fait un bout de chemin avec l'arbre en question, et même si la nature des chemins diffèrent ils sont tous, pour moi, source de plaisir et de découvertes.
et puis il y a le facteur humain qui entre en jeu: poursuivre le travail d'une personne avec qui on est ou a été complice fait ressurgir de bon souvenirs.
C'est sans doute assez européen comme approche, loin de la philosophie orientale où les bonsaïkas créent pour les générations futures..
Je pense qu’il faut se méfier des clichés. Je connais quelques amateurs de bonsaï japonais « de base » et franchement, je peux te dire qu’ils n’ont pas l’idée de « créer pour les générations futures»
mais juste de se faire plaisir.
Je pense que ce n’est pas très différent de ce qui se passe en Europe. La plupart des gens qui font du dessin ou de la peinture n’ont pas l’ambition de créer des œuvres pour les générations suivantes mais quand un tableau a de la valeur, lors de l’héritage, on peut le garder ou le vendre.
La seule différence, c’est que un bonsaï, c’est vivant et donc que cela évolue, contrairement à un tableau.
Par ailleurs, bien que n’étant pas moi-même intéressé par des arbres dont je ne suis pas l’auteur, je souhaite évidemment qu’après ma mort quelqu’un reprenne les miens.
Ce qui est intéressant, en effet, c’est le chemin, à partir d’une graine (je sème chaque printemps), d’un plant, d’un arbre déjà élaboré…
Et le plaisir qu’on prend à entretenir, choyer, admirer nos arbres, ou simplement ne penser à rien en les observant.
Je fais du bonsaï pour mon plaisir, mais quand je regarde des arbres acquis, je pense à ceux qui ont bossé dessus, et ceux qui bosseront dessus après moi… Ils ne seront jamais figés et je les accompagne…
Idem que pour beaucoup, pour moi le chemin parcouru est plus important que l'objectif.C'est en travaillant, en recherchant des infos, en rencontrant des personnes que je me suis enrichi.Par exemple, c'est en recherchant des yama que j'ai découvert la nature, mon environnement car j'ai du comprendre son fonctionnement.Si j'achète un arbre abouti, oui j'aurais un arbre mais je n'aurais que cela,je n'aurais pas acquis toute cette richesse matérielle ou pas.Pour ma part, je souhaiterai que l'on distingue différemment lors des expos les arbres créer par leur propriétaire des imports car nous le savons tous sortir un arbre crédible, c'est du boulot.@+
« Je n’ai de plaisir qu’avec les arbres dont je suis l’auteur »
semble un peu abrupte quoique nuancée par la suivante :
« Mais cela ne m’empêche pas d’être admiratif et respectueux de spécimens tels qu’on en voit sur les sites…. »
Je m’explique :
Je suis d’accord avec Jox quand il dit que l’important c’est l’histoire de l’arbre.
Tel arbre de votre collection vous rappelle l'énorme rocher qu'il a fallu mobiliser pour le prélever, tel autre vous remet en mémoire le paysan narquois et dubitatif qui vous a regardé creuser une tranchée autour de ce qui n'était qu'une broussaille. Sans parler d'égratignures de ronces, de genoux écorchés et même de chutes... Il s'agit de liens scellés dans le sang (faites moi signe si j'y vais un peu trop fort, là !)
Pour ce qui est de la circulation de mains en mains des bonsaïs, je suis plutôt sceptique.
Mettons d’emblée de coté les rapports rapport d’argent que je proscris totalement pour mes bonsaïs. Il me plait de penser que ce n’est pas une marchandise comme une autre, dans un monde de marchants. Le fric ne crée pas le type de lien qu’on attend d’un arbre.
Ensuite les arbres qu’on vous donne : On m’a offert un Orme de chine vénérable qui doit bien faire ses 80 années. Je le rempote, le taille, l’arrose et tout. Point barre. Mais je n’éprouve pour lui qu’une amitié esthétique bien froide.
Puis les arbres que vous offrez : tous ceux que j’ai offert sont morts dans les 12 mois suivants sauf un qui est maintenant un bel arbre d’une dizaine de mètres de haut.
Je ne troque pas non plus de bonsaïs : peut-on troquer une histoire ?
Je pense qu’il faut un certain temps pour "s’approprier "un bonsaï, acheté, donné…surtout pour les débutants et si l’arbre est déjà bien avancé, mais avec le temps cela devient plus facile et il suffit parfois d’un déclic ou d’une remarque d’un tiers pour voir son bonsaï différemment et oser le travailler.
Je suis toujours impressionné par les vidéos de maîtres coupant une branche de plusieurs centimètres de diamètre sans sourciller sur un arbre plus que centenaire.
Les japonais ne travaillent pas sur la même échelle temporelle que nous dans bien des cas.Ils savent que les arbres passeront de générations en générations.Ils n'hésitent pas à intervenir fortement s'ils le juge utile.@+
Le terme ""s'approprier" est entre guillemets. Est-ce parce qu'il ne te convient pas tout à fait ?
J’aurais plutôt utilisé « s’adapter à ».
Toujours est-il que ton choix soulève la question de la propriété et donc des droits de l’auteur (et aussi de l’acquéreur).
Dans la législation française lesdroits moraux liés à une œuvre sont perpétuels et inaliénables (tu ne peux pas les vendre comme les droits patrimoniaux). Un texte, par exemple, que tu aurais produit, ne peut pas être déformé ou modifié par un tiers (sauf accord de ta part). Cela pose le problème de la taille d’un arbre que tu aurais cédé ! Le droit de paternité français permettrait donc à l’auteur à s’opposer à la suppression d’une charpentière par l’acquéreur ou à une ligature intempestive ?
Qui pourrait m’éclairer sur ce point ?
Le même droit de paternité autorise l’auteur de refuser la présentation de son texte, sa peinture son bonsaï dans un environnement jugé indigne. Théoriquement, en tant qu’auteur d’un bonsaï, tu pourrais t’opposer à ce que l’acquéreur l’expose dans ses WC (c’est un exemple !)
L’auteur d’une œuvre est particulièrement bien protégé en France alors quele droit anglo-saxon prévoit la cession de tous les droits y compris les droits moraux.
Dans le cas du bonsaï il faudrait d’abord savoir qui est le créateur, celui qui fait la première mise en forme, celui qui le fait évoluer, ou l’artiste connu qui y mettra sa touche?
Dans mon cas pas de problème, je ne me suis jamais pris pour un artiste. Les arbres que j’ai donné peuvent bien être complètement changée, ça pourrait leurs faire le plus grand bien.
peut être que si on avait plein de pognon a pouvoir acheter des arbres de très grandes valeurs, on prendrai plus de plaisir avec ces arbres crées par d'autre!
on a peut être des arguments de gens normaux en fait!! on fait avec les moyens du bord
Pour répondre à ta question sur les droits d'auteur, Bonsaïphil:
A ma connaissance, il n'y a pas de droit d'auteur,, en terme de création artistique, prévue pour des êtres vivants. Cela peut être considéré comme un vide juridique, mais dans les faits, un arbre vivant étant susceptible d'évoluer par ses propres moyens, je ne vois pas comment on pourrait le faire entrer dans le cadre des lois, droits et obligations que tu cites, de manière exacte par ailleurs.
Un bonsai au même titre qu'un jardin (voir jurisprudence Vaux-le-Vicomte) est une œuvre de l'esprit. Le Code de Propriété intellectuelle se contente d’indiquer que l’auteur jouit d’un droit « du seul fait de la création » d’une telle oeuvre. L’œuvre est réputée créée "du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur".
Même inachevée !! ce point nous intéresse, non?
La protection assurée par les droits d'auteur opère indifféremment de la forme d'expression (en gras parce que c'est le principe clé) : ainsi, on ne prend pas en compte l’expression orale ou livresque, voix ou instrument de musique, sculpture ou peinture… vivant ou inerte. C'est un principe fondateur.
Il va sans dire qu' il ne faut pas confondre la protection dont jouit l'oeuvre de l'esprit avec celle liée à un brevet.
Attention : tout arbre en pot n'est pas considéré comme une oeuvre de l'esprit : les juges n’admettent pas que la simple mise en oeuvre de savoir-faire techniques puisse donner naissance à une oeuvre de l’esprit. L'auteur doit apporter la preuve de l'originalité de son oeuvre. Elle doit refléter sa personnalité. L'originalité doit être comprise ici comme le contraire de la banalité.
Corrolaire : vous pouvez photographier et diffuser la photo d'un bonsai banal qui est considéré comme un bien. mais vous ne pouvez pas photographier (et publier) un bonsai original (une oeuvre de l'esprit) sans autorisation . pas simple.
Tout cela ne répond pas vraiment définitivement à ma question de départ.