Le prélèvement

Bip bip bip, 6.00 du mat, matos préparé la veille, faut que je l’embarque, pelle US, binette, sac blindé, me vlà parti direction les sommets escarpés.

Dans ma caisse ya plein de buée et ça meule, un coup d’éponge, c’est bon, je vois ma gueule dans le reflet, qui me fait me rappeler les papiers de l’ONF, histoire d’être en règle avec les lois de la nature et de la forêt.

Ca y est, vla le brouillard, signe que j’arrive dans le cimetière des vieillards. Ici plus rien ne vit, sauf un dernier survivant de 500 ans qui doit être un juni.

Matos déployé, vla que je commence à creuser. Je tombe sur le nebari, incroyable, c’est le paradis. Il y a plein de radicelles aussi blanches que des vermicelles et un tronc avec des bois morts tels des flammes qui traversent la masse verte et créés ce contraste du plus bel effet sans effort.

Un coup de savatte distrait dans le matos fait voler la binette direction les bas fonds, adios!

Je sors toile de jute, ficelle, marteau et burin et j’attaque le grès en plein soleil, je suis bien. Les gouttes de sueur coulent dans mes yeux, ça pique, j’me frotte. Et voilà qu’il pleut, orage d’été je sais pas, les éclairs me rasent, ça l’fait pas.

Enfin le pain racinaire commence à bouger, j’voudrais faire pareil mais j’peux pas sans l’embarquer.

Bing bing, deux coups de burin, ça y est je l’ai dans les mains, chui heureux comme un gamin. Remballage du matos avec ce centenaire sur mes épaules. Je redescend à grands pas et je retrouve un peu plus bas ma binette, c’est un bon présage.

Arrivé à la caisse, j’installe 500 ans d’histoire sur la banquette arrière. Clef sur le neman, les pneus crissent, je suis plus là.

Arrivé à la maison, le petit créneau qui fait bien, je sors de ma caisse, j’entends le chien du voisin.

Pressé de m’occuper du centenaire, je me précipite à l’arrière. Il n’y a plus qu’un peu de terre sur le sol, bip bip bip, le réveil sonne. Je me lève, il n’y a plus personne.