Angle de vision

Je me rappelle avoir lu à de multiples reprises dans des livres, à l’époque où internet n’existait qu’à l’état d’embryon voire pas du tout, qu’un bonsai devait être regardé avec les yeux à hauteur du sommet du pot.

Or je constate en voyant les photos des expos que ce n’est jamais le cas, les arbres sont présentés de façon à être admirés en légère plongée.

Ca change pas mal de chose à l’inclinaison de l’arbre au moment du rempotage, alors quand nous travaillons nos arbres doit-on les optimiser pour être vus légèrement d’en haut ?

En ressortant mes vieux bouquins, je n'ai malheureusement pas trouvé de passages qui indiquent quoique ce soit sur ce fameux angle de vision.

Mais la question est pertinente, je trouve. Elle l'est en particulier lorsqu'il faut prendre des clichés de nos arbres.

Personnellement j'aurais plutôt tendance à placer le centre du viseur à mi-hauteur de l'arbre. Je pense mettre l'arbre en valeur d'abord et avant tout. J'essaye même de rendre l'arrière plan bien flou pour qu'il n'y ai aucune interférence graphique avec le vrai sujet de la photo.

 

Pour ce qui est d'admirer un arbre à l'oeil nu, qu'on ne vienne pas me dire comment je dois regarder. En pratiquant le dessin, la sculpture ou la peinture mes professeurs m'ont appris à regarder.

Mon premier réflexe serait plutôt de passer derrière l'arbre . Il s'y cache souvent des détails qui en disent long sur l'auteur.

N'avez vous jamais noté la surprise des néophytes quand on dit qu'un arbre possède un devant et un derrière ?

 

Dans une expo de sculpture on tourne autour de l’œuvre. En serait-il autrement d'un arbre ? Et ceci renvoie bien sûr à la scénographie des expositions de bonsaïs qui forcent le spectateur à un angle de vue. C'est contraire aux notions les plus élémentaires de la scénographie.

Je ne crois pas qu'il y'ait une référence par rapport à la hauteur du pot. Il faut se rappeler que le bonsaï est un art chinois et japonais, principalement japonais pour ce qui est de l'influence majeure sur notre pratique. Or le bonsaï a été conçu pour être admiré dehors, assis depuis le plancher de la maison recouvert de tatamis, parfois placé dans un tokonama ou sur une table basse dans la maison de thé. De ce fait le regard du spectateur était à peu près au même niveau que le bonsaï ou légèrement plus haut.

Il faut que je fasse un raid de 2 ou 3 jours dans le grenier pour ressortir mes vieux bouquins. Le premier que j’ai lu mentionnait une tradition consistant à mettre un poisson séché au fond du pot à bonsaï en guise d’engrais. Carpe ou maquereau, ça n’était pas précisé. Du coup je n’ai pas essayé.

Je trouve que les photos sont très souvent mal prises effectivement, pourtant prises par des amateurs avertis, mais qui ont certainement la flemme de se baisser.

Je pense que la meilleure vue est au niveau du nébari pour avoir une vue la plus réaliste pour la raison suivante, quand on regarde un arbre dans la nature nos yeux sont plus près du sol que de la cime.

En plaçant notre regard au niveau du haut du pot et entre 1m ou 2 m de recul quand c’est possible, c’est pour moi comme si je regardé un arbre avec 30 ou 50 mètres de recul.

il est vrai que les maitres japonais passent toujours derrière l'arbre .

l'inclinaison est logique vers le spectateur , la cime qui fuit est toujours négative

pour avoir un appareil photo avec un volet d'écran qui pivote je peux faire des photos bien face au bonsai tout en restant droit et elles déforment moins.

le gros problème de l'image est son coté réducteur : quand quelqu'un voit un  de mes grand bonsai à la maison , neuf fois sur dix, ressort la réflexion "je ne l'imaginais pas si grand"

Un être humain normalement constitué appréhende un objet en volume sous tous ses angles.

Tes "maitres japonais" n'y dérogent pas.

Dans les expositions , où sont placées les œuvres maitresses ?

- Au centre d'une salle (Venus de Milo, Victoire de Samothrace ...)

- En extérieur (Musée Rodin)

De cette manière le spectateur a accès à l'ensemble de l’œuvre. Il tourne autour

 

Dans ce contexte, parler d'inclinaison vers le spectateur, suppose déjà que tu lui interdis de voir le cul de l'arbre. 

Un sculpture qui met en scène des corps humains, des animaux, des objets familiers possède un devant et un derrière.

Mais un arbre ?

Mais une sculpture comme celle ci ?

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Bernard Venet "Lignes indéterminées"

Que dire d'une sculpture dans laquelle on peut entrer ?

 

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Dubuffet «Sculpture de Chicago»

 

Le fait que les japonais aient décrété qu'il y a un devant et un arrière à un bonsaï est tout simplement lié à la manière dont ils l'exposent : dans un tokonoma ou en ligne sur des tables n'ayant qu'un angle de vision.

La seule présentation d'un bonsaï qui respecte vraiment le spectateur reste la plate-forme sur un pied.

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Celle qui est visualisée sur le site de la ffb me semble être un compromis réaliste pour des expositions où le nombre d'arbres n'est pas compatible avec un aménagement dédié pour chaque arbre

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http://www.ffbonsai.com/wp-content/uploads/2014/07/pr%C3%A9sentation-Augeix-filigrane.pdf

On peut voir sur deux cotés

Dans une expo de sculpture on tourne autour de l’œuvre. En serait-il autrement d'un arbre ? Et ceci renvoie bien sûr à la scénographie des expositions de bonsaïs qui forcent le spectateur à un angle de vue. C'est contraire aux notions les plus élémentaires de la scénographie.

Pourquoi remettre en cause ce principe d'exposition? Qu'apporterait de plus une vision d'un arbre à 360°?

 

Au fond chaque exposition, chaque mise en scène obéit à des conventions, qu'il s'agisse de peinture ou de sculpture. Certaines oeuvres ont été conçues par des artistes pour que le public puisse tourner autour, renter dedans, se les approprier, c'est le cas des oeuvres monumentales en général (Calder, Tinguely, Dubuffet par exemple).

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Le même Calder a aussi produit des oeuvres à voir d'un seul point de vue 301226

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Ces oeuvres sont bien évidemment placées en extérieur et de ce fait même permette une lecture globale. 

 

D'autres oeuvres sculpturales sont placées en intérieur, conçue spécifiquement pour un espace déterminé, et ne sont pas pour autant sans intérêt (Michel Ange: David et Piéta)

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Toute l'architecture monumentale depuis le Moyen-Age, la Renaissance, comporte un ensemble de sculptures visibles d'un point de vue plus ou moins pré-déterminé (Cf les porches des cathédrales gothiques). Les oeuvres issues de l'art cinétique (Vasarely, Duchamp, Agam, Soto, etc...) ou du opt-art imposent un point de vue unique, rejoignant de ce fait toute la peinture renaissance marquée par une révolution fondamentale: la perspective. Cette même perspective fait partie intégrante de la culture occidentale, même si certains artistes se sont ingéniés à perturber, interroger, bousculer le regard: de Picasso à Duchamp, Miró, Kandinsky, Klein, etc...

Un autre artiste remarquable: Christo (qui est en fait un couple d'artistes Christo Javacheff et Jeanne-Claude Denat de Guillebon) : emballage du Pont neuf,  du Reichstag, etc... produisent et vendent des dessins réalisés à partir de leurs oeuvres monumentales, donc en privilégiant un point de vue unique pour chaque dessin. Reichstag par Christo301229

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Tout ça pour dire que si la lecture d'une oeuvre est limitée par l'espace ou par la volonté de l'artiste, ce n'est de mon point de vue en rien une contrainte pour l'émotion qu'on peut en retirer.

 

Pour en revenir aux japonais, ceux-ci, comme d'autres peuples asiatiques et arabo-persiques, n'ont pas été "formatés" par la révolution de la perspective issue de la Renaissance. Toutes les peintures japonaises sur rouleau démontrent une incapacité à comprendre la perspective. Et pourtant, ces notions ont été introduites dès le début de la période Edo par les marchands hollandais, via le port de Nagasaki, notamment. Mais le format vertical de ces rouleaux a sans doute représenté une contrainte trop importante pour pouvoir développer les techniques de la perspective à deux points de fuite. Les artistes japonais se sont donc limités à une représentation des volumes par la perspective dite cavalière ou axonométrique

Tosa Mitsusada

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Tosa Mitsusada (1738-1806).jpeg

ou en continuant à représenter l'espace par des plans successifs et le jeu des vides.

 

Bref, tout ça pour dire qu'une convention peut en remplacer une autre et je ne comprends pas bien en quoi cela est gênant. Certes chacun a sa propre sensibilité. Personnellement rien ne me gonfle plus qu'une caméra tremblotante tournant autour d'un arbre. Je préfère essayer d'adopter la vision asiatique où le vide est aussi important sinon plus que le plein, où l'arrière plan n'est que suggéré. Voir l'arbre derrière l'arbre n'est pas à prendre au pied de la lettre. Plus simplement faire appel à l'imagination pour s'inventer une vision. C'est ce qui me plait dans cette convention archi stéréotypée. Je trouve que la présentation d'un arbre, avec une plante d'accompagnement, un suiseki ou un tempaï, quand elle est bien menée, est source de petits bonheurs quand l'image suggérée donne liberté à l'imaginaire. Elle est aussi source de bien être contemplatif, de sérénité.

En fait la question que je me posais était plus simplement doit-on structurer nos arbres pour qu’ils soient le plus beaux quand on les regarde avec les yeux à la hauteur du nébari ou quand on les regarde de bien plus haut.

Le point de vue du spectateur étant donc une contrainte à prendre en compte lors de la création ou de l’implantation de l’arbre. Il ne s’agit pas de conventions mais des conditions imposées lors de leur exposition (exposition publique ou domestique, s’entend).

Ben les conditions imposées sont pourtant des conventions. Tout comme une toile de peintre qui est exposée à hauteur des yeux, le bonsaï devrait l'être aussi, mais la hauteur standardisée des tables supportant les arbres, environ 75cm, fait que les présentations des bonsaï sont plus basses, même si les tablettes les rehaussent. La hauteur des yeux par convention, est de 1,50 à 1,60m il me semble. D'où l'intérêt de prendre du recul pour admirer une présentation de bonsaï.

 

Quant à savoir comment regarder un bonsaï, il me semble que du fait qu'il a été conçu au départ pour être regardé assis dans la culture nippone, un bonsaï se doit d'être regardé idéalement avec les yeux situés quelque part entre le dessus du pot et le milieu de la hauteur de l'arbre.

 

C'est d'ailleurs ainsi qu'il est travaillé. Quand après ligaturage, on place les branches dans l'espace, c'est toujours sous une face déterminée et avec les yeux grosso modo à hauteur du tronc, de façon à voir l'ensemble de l'arbre, du nebari au sommet et en suivant la ligne de tronc. D'ailleurs il faut à chaque fois reculer pour pouvoir voir l'arbre dans son ensemble quand on place chaque branche, chaque rameau. La maturation d'un arbre c'est travailler le détail de la position d'une branche, d'un plateau, rameau par rameau et ça ne peut se faire en regardant l'arbre par le sommet

Merci pour cette clarification.

Donc en gros, les arbres ne sont quasiment jamais exposés dans des conditions optimales.

Ils sont exposés selon des conventions, des habitudes et .... des contraintes économiques :-)

Mais en aucun cas je cultiverais un arbre en ayant à l'esprit ces conditions d'expositions. 

Naka en parle dans le Naka 2 page 367.

 

Les yeux de l'observateur se situent pile au milieu de l'arbre sur les dessins qu'il fait. Il dit que la distance pour le regarder doit etre de 1.5 à 2 metres. Un bonsai petit ou bas doit être posé sur table qui le rehausse. Et un grand bonsai doit être placé sur un support bas ou plat mais jamais sans support.

 

 

Sinon pour la hauteur d'observation du Bonsai avec la table et tablette, je pense que ça ira mieux avec un observateur de petite taille...

 

ça me fait penser à un truc, peut-être qu'il faudrait revoir la hauteur de la table (à la hausse) pour les occidentaux qui sont généralement plus grands que les asiatiques ?

Ou des estrades…

Bon sinon pour les hobbits, on ne touche à rien.

Effectivement, les tables des salles des fêtes et d’expo sont trop bas pour que nous jouissons d’un plaisir optimal, il faudrait rehauser les tables d’environ 30cm pour atteindre une hauteur d’1m minimum.

D’ailleurs un certain Mr Pierre Hérault y apporte une grande importance, le club Bonsaï deux-Sèvres à souvent opté pour cette option, jusqu’à ces dernières années. Il y a bien longtemps, la municipalité avait fabriqués des sabots spécialement pour nous, mais malheureusement il on disparue au plus grand d’espoirs de Pierre.

c'est vrai que les rares expo que je suis allé voir, on passe sont temps accroupi..

 

C’est d’ailleurs ainsi qu’il est travaillé. Quand après ligaturage, on place les branches dans l’espace, c’est toujours sous une face déterminée et avec les yeux grosso modo à hauteur du tronc, de façon à voir l’ensemble de l’arbre, du nebari au sommet et en suivant la ligne de tronc. D’ailleurs il faut à chaque fois reculer pour pouvoir voir l’arbre dans son ensemble quand on place chaque branche, chaque rameau. La maturation d’un arbre c’est travailler le détail de la position d’une branche, d’un plateau, rameau par rameau et ça ne peut se faire en regardant l’arbre par le sommet

Bonjour,

Meme si c est pas vraiment le sujet, je me permet d essayer d apporter une petite nuance.

Pour « travailler » l arbre il faut, comme dis plus haut, prendre du recul pour avoir un regard englobant et « reperé » par une face.

Pour « laisser travailler » l arbre, Isamu Murata (Kiuka en) traduit et présenté ds france bonsai (ds les num 40 de mémoire), taille au contraire, en regardant l arbre par en haut. Cela lui permet d oublier un peu ce qu il veut imposer à l arbre et de le laisser s’exprimer.

Nous on a un peu de mal a travailler en ce sens, et pourtant je pense que pour faire maturer un arbre, ca peut etre un bon outil. Peut etre par ce qu on a du mal à reperer un arbre qui est pret pour « juste maturer ». Meme si chacun met ses exigences où il l’entend.

Par ex dans le sujet « orme du japon du commerce » ds les shoin et mame, je proposais de tailler toutes les pousses, presque indiferement, pour laisser l arbre travailler (tailler pour le laisser faire de la masse verte, profitable pour lui et utilisable pour nous). Pourquoi pas le faire en regardant l arbre du dessus pour s obliger à ne pas trop analyser la strucure?

C’est assez vite parti sur: tailler court en haut et ne pas tailler en bas, pour construire intelligement et selon un plan (tailler pour le structurer, on reporte à plus tard le moment ou on lui laissera de la masse profitable). Lá, le regard serait nécessairement reperé depuis la face.

Dans les memes années (meme numeros), je me souviens d une remarque de mr Shimizu,

« comment voulez vous obtenir une ramification si vous taillez tous le temps? »

Pour rebondir sur la hauteur des tables qui à été évoqué, je pense qu il y a tout simplement une difference de taille significative entre les arbres exposés dans les « grandes expos » et dans les « petites ».

Quand nous serons capables de vraiment faire ramifier nos arbres, de les faire « pousser en bonsai » sur du long terme, alors ils prendront de l ampleur et de la hauteur. Et la hauteur des tables ne sera plus un probleme pour centrer notre regard. Bon c’est facile à dire pour moi parce que j’aime particulierement les grands arbres :-d

Dans le même genre d'idée, travailler d'en haut et laisser pousser pour prendre de la vigueur, il y a cet article de Walter Pall sur le site du bonsaï club blésois que je trouve très intéressant http://www.bonsai-club-blesois.fr/page80.html (peut-être parce que ça conforte ce que je fais intuitivement depuis quelques années)

Merci pour ce lien. J'aime beaucoup sa façon de voir les choses. C'est très très logique.

A la différence de TA façon de faire, je pense que lorsqu'il taille en mode "taille haie" il taille en revenant sur le profil de l'arbre, et pas en taillant les pousses au milieu comme tu le fais. Ainsi, la pousse secondaire est utilisable, ce qui fait avancer la ramification, ou à défaut de ramif du mouvement apparaît dans les charpentières.

Oui j'aime bien, surtout pour la puissance que ça apporte à la plante.

Sur certains de mes arbres je procède comme ça : je laisse tout pousser puis taille en juin en suivant la forme générale. Je reviens en fin de saison pour supprimer/corriger de la ramif qui ne servira pas par la suite.