Dans une expo de sculpture on tourne autour de l’œuvre. En serait-il autrement d'un arbre ? Et ceci renvoie bien sûr à la scénographie des expositions de bonsaïs qui forcent le spectateur à un angle de vue. C'est contraire aux notions les plus élémentaires de la scénographie.
Pourquoi remettre en cause ce principe d'exposition? Qu'apporterait de plus une vision d'un arbre à 360°?
Au fond chaque exposition, chaque mise en scène obéit à des conventions, qu'il s'agisse de peinture ou de sculpture. Certaines oeuvres ont été conçues par des artistes pour que le public puisse tourner autour, renter dedans, se les approprier, c'est le cas des oeuvres monumentales en général (Calder, Tinguely, Dubuffet par exemple).
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Le même Calder a aussi produit des oeuvres à voir d'un seul point de vue 301226
Ces oeuvres sont bien évidemment placées en extérieur et de ce fait même permette une lecture globale.
D'autres oeuvres sculpturales sont placées en intérieur, conçue spécifiquement pour un espace déterminé, et ne sont pas pour autant sans intérêt (Michel Ange: David et Piéta)
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Toute l'architecture monumentale depuis le Moyen-Age, la Renaissance, comporte un ensemble de sculptures visibles d'un point de vue plus ou moins pré-déterminé (Cf les porches des cathédrales gothiques). Les oeuvres issues de l'art cinétique (Vasarely, Duchamp, Agam, Soto, etc...) ou du opt-art imposent un point de vue unique, rejoignant de ce fait toute la peinture renaissance marquée par une révolution fondamentale: la perspective. Cette même perspective fait partie intégrante de la culture occidentale, même si certains artistes se sont ingéniés à perturber, interroger, bousculer le regard: de Picasso à Duchamp, Miró, Kandinsky, Klein, etc...
Un autre artiste remarquable: Christo (qui est en fait un couple d'artistes Christo Javacheff et Jeanne-Claude Denat de Guillebon) : emballage du Pont neuf, du Reichstag, etc... produisent et vendent des dessins réalisés à partir de leurs oeuvres monumentales, donc en privilégiant un point de vue unique pour chaque dessin. Reichstag par Christo301229
Tout ça pour dire que si la lecture d'une oeuvre est limitée par l'espace ou par la volonté de l'artiste, ce n'est de mon point de vue en rien une contrainte pour l'émotion qu'on peut en retirer.
Pour en revenir aux japonais, ceux-ci, comme d'autres peuples asiatiques et arabo-persiques, n'ont pas été "formatés" par la révolution de la perspective issue de la Renaissance. Toutes les peintures japonaises sur rouleau démontrent une incapacité à comprendre la perspective. Et pourtant, ces notions ont été introduites dès le début de la période Edo par les marchands hollandais, via le port de Nagasaki, notamment. Mais le format vertical de ces rouleaux a sans doute représenté une contrainte trop importante pour pouvoir développer les techniques de la perspective à deux points de fuite. Les artistes japonais se sont donc limités à une représentation des volumes par la perspective dite cavalière ou axonométrique
Tosa Mitsusada
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ou en continuant à représenter l'espace par des plans successifs et le jeu des vides.
Bref, tout ça pour dire qu'une convention peut en remplacer une autre et je ne comprends pas bien en quoi cela est gênant. Certes chacun a sa propre sensibilité. Personnellement rien ne me gonfle plus qu'une caméra tremblotante tournant autour d'un arbre. Je préfère essayer d'adopter la vision asiatique où le vide est aussi important sinon plus que le plein, où l'arrière plan n'est que suggéré. Voir l'arbre derrière l'arbre n'est pas à prendre au pied de la lettre. Plus simplement faire appel à l'imagination pour s'inventer une vision. C'est ce qui me plait dans cette convention archi stéréotypée. Je trouve que la présentation d'un arbre, avec une plante d'accompagnement, un suiseki ou un tempaï, quand elle est bien menée, est source de petits bonheurs quand l'image suggérée donne liberté à l'imaginaire. Elle est aussi source de bien être contemplatif, de sérénité.